Ski: après une série d'accidents, le difficile compromis entre vitesse et sécurité
Aleksander Kilde et son mollet tailladé, Cyprien Sarrazin gravement blessé à la tête, Mikaela Shiffrin perforée au bassin... Les récents accidents en Coupe du monde poussent les skieurs à exiger plus de sécurité, entre évolution du matériel et meilleure préparation des pistes.
A Kitzbühel ce week-end, Cyprien Sarrazin ne dévalera pas la terrible Streif et ne réitèrera pas son exploit de l'an passé, quand il était entré dans l'histoire du ski en réalisant un fantastique doublé en descente dans la station autrichienne.
Pour cause, le skieur du Dévoluy a chuté le mois dernier à Bormio (Italie) et, souffrant d'une lourde commotion cérébrale, doit désormais réapprendre de nombreux gestes du quotidien avant d'envisager un retour.
L'étape de Bormio, marquée par de nombreuses autres chutes, a fait l'objet de critiques de la part des skieurs et relancé un débat sans fin sur leur sécurité, alors que s'enchaînent les étapes de vitesse en janvier.
"On fait partie des sports dangereux. Il y a des accidents qu'on ne pourra pas éviter", dit le Français Adrien Théaux, 40 ans dont plus de 20 sur le circuit mondial. "Mais, sur la préparation des pistes, c'est sûr qu'il y a des choses à faire."
Avec les progrès du matériel et l'augmentation du niveau physique des athlètes, la vitesse à ski a considérablement augmenté pour s'aventurer plus régulièrement au-delà de 150 km/h, rendant les chutes encore plus dangereuses.
- "Il n'y a plus de marge" -
Pour tenter de ralentir les skieurs, les organisateurs adaptent les tracés, soit en faisant tourner plus leur descente, soit en jouant sur la neige et les mouvements de terrains. Mais les athlètes ne sont pas convaincus.
"Certains pensent que c'est ce qui va nous faire ralentir", explique Théaux. "Mais ça crée aussi beaucoup de désordre dans notre ski. On perd en vitesse mais on perd surtout beaucoup en sécurité."
"Je préfère aller à 150 sur (une piste bien préparée) qu'aller à 135 sur du +bumpy+ (bosselé)", confirme Blaise Giezendanner, autre descendeur français, avant de chuter samedi dans la descente de Wengen et de se rompre un ligament croisé du genou droit.
Après les critiques formulées à Bormio -le Français Nils Allègre estimant même que l'Italie ne méritait pas d'accueillir les JO-2026 -, le patron de la Coupe du monde Markus Waldner avait défendu la piste italienne, arguant qu'elle avait été préparée comme il le fallait. Il avait estimé que le principal problème résidait dans le matériel, toujours plus performant.
"Il n'y a plus de marge", disait-il alors. "Si tu vas à la limite, il arrive ce qu'il s'est passé" à Bormio.
La Fédération internationale de ski (FIS) a bien tenté d'imposer cet hiver le port de l'airbag, un système de protection sous la combinaison qui se déclenche en cas de chute. Mais elle a finalement accordé des dérogations pour une quarantaine d'athlètes qui n'en voulaient pas (à cause du manque de confort ou par crainte d'un déclenchement inopiné).
"La FIS doit prendre ses responsabilités", s'agace Xavier Fournier, responsable du groupe vitesse français. "Ceux qui n'ont pas l'airbag ne skient pas, point."
"En F1, certains étaient contre les halos (qui protègent la tête des pilotes) et on a vu avec (Romain) Grosjean comment ça s'est passé", ajoute-t-il à propos du terrible accident du Français en 2020.
- "Des normes plus contraignantes" -
Sur l'airbag, "il y a eu des résistances car certains estiment que ça ne leur convient pas", admet Johan Eliasch, le président de la FIS. "Les fabricants sont en train de régler ça, dès la saison prochaine ce sera vraiment obligatoire."
Il évoque aussi des combinaisons anti-coupures pour éviter des blessures comme celles du Norvégien Aleksander Aamodt Kilde, qui s'était ouvert profondément un mollet avec ses skis lors d'une chute l'année dernière, mais aussi "des meilleurs systèmes de fixation et des casques plus résistants".
"Les technologies existent, il faut juste que les fabricants s'y mettent", selon Eliasch.
Mais "une marque ne va pas décider d'un coup de faire un casque d'1,5 kilo si les autres casques font 500 grammes", rétorque Allègre, renvoyant la balle à la FIS. "Il faut des normes plus contraignantes pour les casques et les fabricants devront évoluer."
"On doit améliorer tout ça", conclut Xavier Fournier. "Aussi pour l'image du sport, ce n'est pas bon de voir tous ces blessés."
R.Campbell--TNT