L'imam Iquioussen visé par un mandat d'arrêt européen contesté
Parti à l'étranger, peut-être en Belgique, l'imam marocain Hassan Iquioussen, sous le coup d'un arrêté d'expulsion signé par Gérald Darmanin, est désormais visé par un mandat d'arrêt européen, dont son avocate conteste la légalité.
Ce mandat d'arrêt a été délivré par un juge d'instruction de Valenciennes (Nord) pour "soustraction à l'exécution d'une décision d'éloignement", ont indiqué vendredi des sources proches du dossier.
Le prédicateur, mis en cause pour des propos jugés contraires aux valeurs de la République, était resté introuvable mardi par la police à son domicile de Lourches, près de Valenciennes, après la validation de son arrêté d'expulsion par le Conseil d’État.
Contacté par l'AFP, le parquet de Valenciennes n'a pas donné suite.
"Ce mandat d'arrêt européen nous stupéfait car s'il existe il se fonderait sur une infraction qui n’est selon nous pas constituée", étant donné que M. Iquioussen "a quitté le territoire français", a réagi auprès de l'AFP son avocate, Me Lucie Simon.
"Pourquoi le rechercher ? Pourquoi vouloir le faire revenir ?", s'est-elle interrogé.
- "Morbide" -
Selon des sources proches du dossier, si M. Iquioussen était effectivement resté en France, le motif du mandat d'arrêt aurait été justifié. Mais, le ministre de l'Intérieur a affirmé depuis que l'imam était "manifestement en Belgique".
Dans ce cas, selon ces mêmes sources, M. Iquioussen est considéré comme ayant lui-même exécuté la mesure d'éloignement, car les modalités d'expulsion ne sont pas fixées dans un arrêté d'expulsion.
Jeudi soir, les autorités belges n'avaient pas eu connaissance de l'émission d'un mandat d'arrêt européen. Une porte-parole du ministère belge de la Justice a indiqué à l'AFP que M. Iquioussen ne figurait pas dans les fichiers de police comme étant recherché en Belgique.
"C'est compliqué juridiquement", a reconnu auprès de l'AFP une source proche du dossier, une autre faisant valoir qu'il avait fallu faire preuve "d'acrobaties juridiques pour judiciariser une poursuite contre quelqu'un sous le coup d'une mesure administrative".
"Le ministère de l’Intérieur n’est pas dans une position juridique dans ce dossier", mais "dans une politique spectacle", a estimé Me Simon.
Elle dénonce "une volonté politique de faire du buzz, de le renvoyer au Maroc sous le regard des caméras". "Ca n’a d’autre logique que celle, morbide, de l’humiliation."
- "Grotesque" -
Le Conseil d'Etat avait donné mardi son feu vert à l'expulsion de M. Iquioussen, né en France il y a 58 ans mais de nationalité marocaine, dont Gérald Darmanin avait fait ces dernières semaines un symbole de la lutte du gouvernement contre les "discours séparatistes".
Le ministre de l'Intérieur avait annoncé le 28 juillet l'expulsion de ce prédicateur du Nord, fiché S (pour sûreté de l'Etat) par la DGSI "depuis dix-huit mois", selon lui.
L'arrêté d'expulsion lui reproche "un discours prosélyte émaillé de propos incitant à la haine et à la discrimination et porteur d'une vision de l'islam contraires aux valeurs de la République". Sa chaîne YouTube est suivie par 178.000 abonnés.
Pour compliquer un peu plus cet imbroglio juridique, le Maroc a annoncé mardi, après la décision du Conseil d'Etat, suspendre le "laissez-passer consulaire" délivré début août pour permettre l'expulsion de l'imam vers son territoire.
"On se met à rechercher quelqu'un qui a appliqué l'arrêté d'expulsion lui-même pour le renvoyer dans un pays qui a retiré son laissez-passer", à déclaré à l'AFP le député LFI du Nord, David Guiraud, qui dénonce un feuilleton "grotesque".
"Si l'imam Iquioussen est arrêté en Europe et que le Maroc ne veut plus le reprendre, il va où? C'est quoi la suite de l'histoire ?", a pour sa part réagi le député RN du Nord, Sébastien Chenu, interrogé par l'AFP. "J'aimerais bien que nos brillants juristes et ministre de l'Intérieur nous expliquent ce qu'ils ont en tête."
F.Hammond--TNT