Pouvoir d'achat: l'Assemblée engagée dans une course de lenteur
Des oppositions défendant pied à pied leurs amendements, des débats qui piétinent et s'enveniment, mais aussi des négociations en coulisses: le projet de loi sur le pouvoir d'achat peine à avancer à l'Assemblée nationale et met à l'épreuve la majorité.
Mercredi au troisième jour, quelque 350 amendements restaient à examiner sur ce texte prévoyant la revalorisation anticipée de 4% des pensions de retraite et des prestations sociales, ainsi que des mesures afin d'assurer l'approvisionnement énergétique du pays - sujet promettant de vives discussions avec la gauche.
Les débats doivent se terminer jeudi, les députés devant enchaîner avec le projet de budget rectificatif pour 2022 qui doit assurer le financement et compléter l'arsenal face à l'inflation.
"La bataille sera encore plus acharnée, car il y a là les grands choix budgétaires", pronostique-t-on au groupe PS.
L'Assemblée siègera pour cela jusqu'à samedi soir, voire dimanche, anticipent plusieurs élus, afin d'achever cette première lecture du paquet pouvoir d'achat, et de passer la balle au Sénat, en vue d'une adoption définitive au 7 août.
"On doit se tenir à ce calendrier" pour ces "lois d'urgence", presse la cheffe de file des députés LREM Aurore Bergé, qui déplore des débats jusqu'alors "lents" et "souvent caricaturaux".
"Nous acceptons des heures et des heures d'invectives, d'interpellations, d'insultes" et "à un moment, ça suffit", a-t-elle lancé dans l'hémicycle mercredi en fin de journée, pointant le groupe LFI et aboutissant à une interruption de séance, dans un climat houleux.
Auparavant, la majorité avait reproché à la présidente de séance LFI Caroline Fiat de manquer à ses obligations de "neutralité", avec interruption de séance et rappels au règlement à la clé.
Après une mention par la rapporteure LREM de la "minorité mélenchoniste", Mme Fiat avait dit en plaisantant: "Merci d'avoir salué M. Mélenchon, absent de ces bancs, qui appréciera".
Aucun amendement de fond n'a été adopté et la gauche a continué à réclamer des augmentations de salaires, dans un dialogue de sourds avec la majorité et LR qui opposent le risque d'une "spirale inflationniste".
- "bon espoir" -
Si les échanges traînent en longueur, ce n'est pas tellement en raison de la majorité relative des macronistes, mais car "le début de législature est propice à ce que chacun veuille s'exprimer et marquer ses positions", relève une macroniste.
En parallèle, les tractations vont bon train. D'abord avec les LR, dont les voix sont précieuses à l'Assemblée comme au Sénat, et qui pourraient permettre à la majorité de ne pas avoir le seul appoint des députés RN.
Un accord est ainsi en vue entre l'exécutif et les députés de droite sur le sujet clé du carburant (dans le budget rectificatif), afin d'augmenter légèrement la ristourne actuelle de 18 centimes le litre, mais en renonçant à l'indemnité carburant pour les travailleurs modestes et les gros rouleurs.
"J'ai bon espoir qu'on arrive à s'entendre", a indiqué le patron des députés LR Olivier Marleix.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a aussi assuré que les propositions LR "sur les heures supplémentaires et sur le possible rachat des RTT" étaient "bienvenues".
La gauche Nupes dénonce de son côté l'absence de "compromis" autour de ses propositions. Avec une série de réactions indignées mardi soir quand Christine Le Nabour (LREM) a lancé à l'écologiste Sandra Regol: "Nous n'avons jamais dit que nous voulions faire des compromis avec vous".
Les macronistes affirment pourtant faire preuve d'ouverture, avec des amendements PS adoptés en commission sur le volet énergétique. Et ils vantent le "rassemblement" des forces politiques autour de la déconjugalisation de l'allocation adultes handicapés (AAH), sans tenir compte des revenus du conjoint - mesure refusée sous la précédente législature.
Pas de concorde en revanche sur la taxation des superprofits des grands groupes, idée poussée par la gauche, le RN et même LR et une douzaine de LREM. "Il vaut mieux tout de suite payer son essence moins chère pour partir en vacances" plutôt que "d'espérer le produit d'une taxe dans un an", répond Aurore Bergé.
Le 14 juillet, Emmanuel Macron avait dit "oui" à une contribution mais "pas dans la démagogie".
A.Parker--TNT