Après le remaniement, l'épreuve du feu pour Borne II
Dix-neuf entrants et cinq partants, dont Damien Abad: deux semaines après les législatives, le gouvernement a été remanié lundi, manière de lancer pleinement un quinquennat qui s'annonce périlleux, comme l'illustre le renoncement d'Elisabeth Borne à solliciter mercredi la confiance du Parlement.
Mais elle ne sollicitera pas de vote de confiance des parlementaires - une tradition à laquelle avaient également dérogé en leurs temps les Premiers ministres Michel Rocard, Edith Cresson ou Pierre Bérégovoy, sous François Mitterrand, qui ne disposaient eux-aussi que d'une majorité relative dans l'hémicycle.
"Nous ne sommes pas certains que les conditions de cette confiance auraient été réunies (...) Nous travaillerons texte par texte", a justifié lundi après-midi le nouveau porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l'issue du premier Conseil des ministres Borne II.
En préambule de la réunion, le chef de l'Etat avait dit "prendre acte de l'absence de volonté des partis de gouvernement de participer à un accord de gouvernement ou toute forme de coalition", après avoir consulté à tout-va.
"Personne n'a intérêt au blocage", a encore martelé M. Véran, se disant "convaincu" qu'une motion de censure, promise par La France insoumise, ne recueillerait pas de majorité.
M. Véran conserve le portefeuille du "Renouveau démocratique" après le remaniement intervenu lundi matin, mais abandonne le stratégique ministère des Relations avec le Parlement, qui échoit à Franck Riester, jusqu'alors titulaire du portefeuille du Commerce extérieur.
Mme Grégoire, qui n'aura été porte-parole qu'un mois et demi, devient pour sa part ministre des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme.
Caillou dans la chaussure de l'exécutif, Damien Abad (Solidarités et personnes handicapées), visé par une enquête pour tentative de viols après la plainte d'une femme et d'un troisième témoignage à son encontre lundi, sort du gouvernement. Il est remplacé par le patron de la Croix-Rouge, Jean-Christophe Combe.
"Les conditions de sérénité n'étaient plus présentes", a fait valoir M. Véran.
- Équilibre politique -
La nouvelle équipe entend refléter un subtil dosage des représentants de ses différentes forces politiques.
Christophe Béchu, un proche d'Edouard Philippe, allié de LREM avec son parti Horizons, est promu ministre de la Transition écologique - en remplacement d'Amélie de Montchalin, battue aux élections législatives - en plus du portefeuille de la Cohésion des territoires qu'il occupait déjà.
La députée Horizons Agnès Firmin Le Bodo, une autre proche de M. Philippe, est nommée ministre déléguée à l'Organisation territoriale et aux Professions de santé.
Le MoDem gagne pour sa part trois postes: Sarah El Haïry (Jeunesse et Service national universel), Geneviève Darrieussecq (Personnes handicapées) et Jean-Noël Barrot (Transition numérique et Télécommunications).
Olivier Becht, pilier du parti de centre droit Agir, hérite du Commerce extérieur.
Sur le flanc gauche de la macronie, le maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Olivier Klein, passé par le PCF et le PS, devient ministre délégué à la Ville et au Logement, une nomination saluée par le monde du logement, après une période où le portefeuille était dilué dans un grand ministère de la Transition écologique.
Parmi les entrants issus de la société civile, l'urgentiste François Braun (ministre de la Santé et de la Prévention) remplace Brigitte Bourguignon, battue aux législatives.
La cheffe économiste de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Laurence Boone, devient secrétaire d'Etat chargée de l'Europe, en remplacement de Clément Beaune, qui part aux Transports.
L'ancien préfet Jean-François Carenco obtient le portefeuille des Outre-mers en lieu et place de Yaël Braun-Pivet, élue présidente de l'Assemblée nationale la semaine dernière. Mais des élus ultramarins ont dénoncé le basculement de ce ministère sous la tutelle de l'Intérieur, une première depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Chez La République en marche, le député Roland Lescure est chargé de l'Industrie, Bérangère Couillard de l'Ecologie et Hervé Berville nommé secrétaire d'Etat à la Mer en remplacement de Justine Benin, également battue aux législatives.
C'est aussi le retour de l'ex-ministre Marlène Schiappa, nommée secrétaire d'Etat chargée de l'Economie sociale et solidaire et de la vie associative.
- Pouvoir d'achat -
L'opposition a accueilli sévèrement l'annonce de la nouvelle équipe.
Au RN, la députée et ex-finaliste de la présidentielle Marine Le Pen a déploré sur Twitter que "ceux qui ont échoué (soient) tous reconduits".
"La macronie en galère de recrutement", c'est-à-dire le "signe d'un pouvoir en voie de décomposition", a pour sa part réagi la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale Mathilde Panot, tandis que le porte-parole du PCF Ian Brossat a critiqué un "nouveau jeu de chaises musicales".
Côté parité, le gouvernement rassemble 21 hommes et 21 femmes en comptant sa cheffe Elisabeth Borne, mais ces dernières sont sur-représentées aux postes de secrétaires d'Etat.
A l'inverse de M. Abad, Chrysoula Zacharopoulou, la secrétaire d’État chargée du Développement qui fait face à deux plaintes pour viol déposées par des patientes de son cabinet de gynécologie, a été confirmée dans ses fonctions.
Ce remaniement doit permettre de clore ce qui est apparu comme une période de flottement pour l'exécutif après la réélection d'Emmanuel Macron il y a plus de deux mois et demi.
"On a désormais un gouvernement d'action", "de personnalités qualifiées qui sont capables de fédérer autour d'elles des majorités plus larges que la seule majorité présidentielle", a estimé l'entourage du chef de l'Etat, louant "un équilibre territorial", "de sensibilités" et "de profils".
La première véritable épreuve est prévue pour le 18 juillet avec l'examen du projet de loi sur le pouvoir d'achat, avec l'ambition de l'adopter avant fin juillet ou début août.
"Quand il s'agit d'augmenter les pensions de retraite pour 15 millions de retraités, de protéger les Français face au à l'augmentation du coût de l'énergie, de permettre à des millions de Français de bénéficier d'un chèque alimentaire pour parer aux urgences, je vois mal qui s'y opposerait", a avancé Olivier Véran.
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A.M.Murray--TNT