
Retraites: après le départ de la CGT, le "conclave" en sursis

Didacus JulesStop ou encore? Largement ébranlé par les départs de certains membres et les déclarations du Premier ministre qui ont enterré l'hypothèse d'un retour à 62 ans, le "conclave" sur les retraites censé confier aux partenaires sociaux l'amélioration de la réforme de 2023, se réunit à nouveau jeudi, dans le flou.
Jeudis 20 et 27 mars, les organisations syndicales et patronales seront réunies pour discuter d'"usure professionnelle et pénibilité", deux sujets auxquels les syndicats sont particulièrement attachés.
Mais "avec les (derniers) rebondissements, j'ai bien peur qu'il y ait du changement", a déclaré à l'AFP Pascale Coton, négociatrice pour la CFTC.
Et pour cause: Sophie Binet, la leader de la CGT - deuxième centrale syndicale - a annoncé mercredi soir le départ de son organisation de la table des négociations.
"Le Premier ministre et le patronat ont malheureusement définitivement enterré ce conclave. Et c'est très grave parce que le Premier ministre s'était engagé à ce que ces discussions soient +sans totem, ni tabou+", a justifié la patronne de la CGT, interrogée sur France2.
Les dernières déclarations du Premier ministre, dimanche et réitérées cette semaine au Parlement, jugeant "impossible" un retour de l'âge de départ en retraite à 62 ans, ont fini d'entamer la patience de la centrale.
"J'ai simplement rappelé qu'il fallait se fixer comme objectif le retour à l'équilibre (du système de retraites) en 2030" et jugé "qu'à mes yeux, on ne pouvait pas revenir à 62, supprimer la réforme des retraites et retrouver l'équilibre financier", a plaidé en vain le Premier ministre mercredi devant les sénateurs.
"Les 62 ans, c'est la question centrale. En disant cela, non seulement le Premier ministre trahit sa parole, mais il trahit des millions de salariés qui se sont mobilisés pour l'abrogation de la réforme des retraites pendant six mois" en 2023, a répliqué Sophie Binet.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi, 50% des personnes sondées souhaitent que, dans les prochaines semaines, une motion de censure soit adoptée contre le gouvernement de François Bayrou sur le sujet des retraites. Et ils sont: 56% des Français à souhaiter revenir à 62 ans - contre 62% en janvier.
- Du plomb dans l'aile -
"Nous, on veut discuter de l'âge, l'âge de départ. C'est le cœur du réacteur. C'est la raison pour laquelle on s'est mobilisés et pour laquelle on a souhaité reprendre le fil des discussions", a également abondé Marylise Léon, N°1 de la CFDT.
Dans ces conditions, la leader a précisé que son organisation restait dans les négociations et "s'affranchit" désormais "de la lettre de cadrage" du gouvernement, appelant à "un autre" conclave.
C'est "un moment extrêmement important pour les travailleurs et les travailleuses et ils ont besoin d'avoir des représentants qui agissent en responsabilité", a-t-elle jugé.
Reste que les concertations sur les retraites, engagées fin février entre partenaires sociaux et prévues pour trois mois, ont plus que jamais du plomb dans l'aile.
Force ouvrière, troisième organisation syndicale, a claqué la porte des négociations dès la première réunion le 27 février, en dénonçant une "mascarade" après l'exigence de François Bayrou de rétablir l'équilibre financier du système de retraites en 2030, demandant de trouver 6,6 milliards d'économies supplémentaires par rapport à ce qui avait été demandé aux partenaires sociaux en janvier.
Sur des positions diamétralement opposées à celles des syndicats, la plus petite des trois organisations patronales, l'U2P (artisans, commerçants et professions libérales) a aussi quitté le "conclave" mardi, qualifiant ces négociations de "jeu de dupes".
Cette organisation estime que l'équilibre du régime des retraites "imposera de repousser l'âge légal de départ au-delà de 64 ans", sauf pour les métiers difficiles.
Le Medef, première organisation patronale, a dit mercredi par la voix de son président Patrick Martin vouloir "laisser sa chance" à la discussion estimant toutefois que "tous les partenaires sociaux, les politiques a fortiori, doivent prendre en compte cette situation des finances publiques qui devient critique".
P.Johnston--TNT