Ukraine: l'UE essaie de s'accorder sur un embargo pétrolier, les forces russes au coeur de Severodonetsk
Les dirigeants de l'UE vont tenter de surmonter lundi le refus hongrois à un embargo sur le pétrole russe, dans le cadre d'un nouveau durcissement des sanctions contre Moscou, dont les forces progressent dans l'est de l'Ukraine, avec des combats au coeur de la ville-clé de Severodonetsk.
Lors d'un sommet consacré à l'Ukraine, les dirigeants des Vingt-Sept devaient se pencher sur un sixième volet de sanctions censées étrangler l'économie russe, après une intervention en visioconférence du président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Ce dernier ne cesse de réclamer cet embargo, appelant les Occidentaux à priver la Russie des revenus qui lui permettent de financer son invasion de l'Ukraine, lancée le 24 février.
Ils devraient notamment rediscuter d'un projet d'embargo progressif sur le pétrole russe, jusqu'ici bloqué par la Hongrie. A son arrivée à Bruxelles, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a affirmé lundi qu'il n'y avait "pas de compromis" acceptable "pour l'instant" sur le sujet.
Mais une nouvelle proposition de compromis devait être discutée, prévoyant un embargo d'ici la fin de l'année "avec une exemption temporaire pour le brut acheminé par oléoduc", conçue pour lever le veto hongrois.
Seul le pétrole russe acheminé vers l'UE par bateau - soit les deux-tiers des achats européens de pétrole russe - serait concerné par cet embargo dans l'immédiat.
Jusqu'ici, la Hongrie, pays enclavé sans accès à la mer et qui dépend pour 65% de sa consommation du pétrole russe acheminé par l'oléoduc Droujba, s'oppose à tout embargo à moins de bénéficier d'une exemption d'au moins quatre ans pour s'y préparer et de près de 800 millions d'euros de financements européens pour adapter ses raffineries.
Les dirigeants européens doivent aussi discuter de la nécessité d'assurer des liquidités à l'Ukraine pour continuer à faire fonctionner son économie -- la Commission a proposé une aide allant jusqu'à 9 milliards d'euros en 2022 -- et de sécurité alimentaire, en raison notamment du blocage des exportations de céréales ukrainiennes qui fait redouter une crise sur le continent africain.
- Journaliste français tué -
Le sommet intervient alors que les forces russes progressent dans l'est de l'Ukraine. Forces russes et ukrainiennes s'affrontaient notamment lundi au coeur de Severodonetsk, selon le gouverneur de cette région du Donbass.
Severodonetsk et la cité voisine de Lyssytchansk sont des villes-clé du Donbass encore sous contrôle ukrainien. Les forces russes visent à contrôler intégralement ce bassin minier, dont des forces séparatistes prorusses appuyées par Moscou ont pris le contrôle partiel en 2014.
C'est dans cette zone qu'est mort lundi un journaliste français, Frédéric Leclerc-Imhoff, qui travaillait pour la chaîne BFMTV, a annoncé le président Emmanuel Macron sur Twitter.
Il "était en Ukraine pour montrer la réalité de la guerre. À bord d’un bus humanitaire, aux côtés de civils contraints de fuir pour échapper aux bombes russes, il a été mortellement touché", a précisé M. Macron, confirmant des informations du gouverneur de cette région, Serguiï Gaïdaï.
Paris a rapidement "exigé" une "enquête transparente" sur la mort du journaliste français "dans les meilleurs délais", selon la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna.
Les forces russes tentent d'encercler Severodonetsk et d'en prendre le contrôle depuis plusieurs semaines, dans une offensive qui s'est intensifiée ces derniers jours, face à laquelle le président Zelensky a reconnu que l'armée ukrainienne était en difficulté.
"Les Russes avancent vers le milieu de Severodonetsk. Les combats se poursuivent, la situation est très difficile", a indiqué sur Telegram M. Gaïdaï.
Il a ajouté que la route reliant Severodonetsk à Lyssytchansk, puis à celle de Bakhmout plus au sud, était trop "dangereuse" pour permettre l'évacuation des civils et le transport d'aide humanitaire.
- Contre-offensive ukrainienne dans le sud -
Les forces ukrainiennes ont affirmé néanmoins regagner du terrain dans le sud, notamment dans la région autour de Kherson, ville proche de la Crimée passée sous contrôle russe début mars.
Dans son point publié dans la nuit de dimanche à lundi, l'armée ukrainienne affirme notamment progresser près de Biloguirka, à une centaine de kilomètres au nord de Kherson.
Moscou n'a pas confirmé ces informations, mais a évoqué lundi des combats dans cette région, indiquant avoir détruit des équipements militaires ukrainiens avec des tirs d'artillerie sur Mykolaïv, et détruit en vol des roquettes ukrainiennes près de Tchornobaïvka, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Kherson.
Les nouvelles autorités prorusses de cette ville à l'embouchure du fleuve Dniepr ont déjà exprimé le souhait d'être rattachées à la Russie, laquelle a annoncé qu'elle délivrerait aux habitants un passeport russe via "une procédure simplifiée".
A Melitopol, autre ville du sud ukrainien occupée par les Russes, dans la région de Zaporijjia, l'administration prorusse a rapporté qu'une voiture piégée avait explosé lundi matin, faisant deux blessés.
La nouvelle maire de la ville installée par Moscou a dénoncé "un acte terroriste cynique du régime de Kiev", qui "ne peut se faire à l'idée que les habitants de Melitopol ne veulent plus avoir à faire" à Kiev.
- Pas de lance-roquettes pouvant atteindre la Russie -
Dans ce contexte, la nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, s'est rendue lundi en Ukraine, première visite d'un responsable français de ce niveau depuis le début du conflit.
La France "poursuivra et renforcera" ses livraisons d'armement à l'Ukraine, a-t-elle annoncé depuis Kiev, après une visite à Boutcha, ville de la banlieue de Kiev devenue symbole des massacres de civils imputés par Kiev aux forces russes.
Le président Emmanuel Macron avait déjà annoncé fin avril l'envoi de matériel militaire à Kiev, notamment des canons automoteurs Caesar.
Ces canons "se sont avérés être des armes fiables et efficaces", a déclaré le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba aux côtés de Mme Colonna. "Ce ne sont pas les seules armes qui arrivent depuis la France et pour chaque arme, nous sommes reconnaissants," a-t-il ajouté.
Depuis des semaines, Kiev réclame de nouvelles livraisons d'armes des Occidentaux pour faire face à l'offensive russe, notamment des avions et des lance-roquettes multiples.
Le président américain Joe Biden a néanmoins indiqué lundi à des journalistes que les Etats-Unis n'allaient "pas envoyer à l'Ukraine des systèmes de roquettes pouvant atteindre la Russie". De telles livraisons avaient été évoquées ces dernières semaines, mais jamais confirmées.
Le chef adjoint de l'Otan, Mircea Geoana, a en revanche estimé dimanche que l'Alliance n'était plus tenue par ses anciens engagements envers Moscou de ne pas déployer ses forces en Europe orientale.
Dans l'Acte fondateur sur les relations entre l'Otan et la Russie, signé il y a 25 ans, les Russes s'étaient "engagés à ne pas agresser les voisins, c'est ce qu'ils sont en train de faire, et à tenir des consultations régulières avec l'Otan, ce qu'ils ne font pas", a déploré M. Geoana.
L'Otan n'a désormais plus "aucune restriction" pour se doter d'une "posture robuste sur le flanc est", a-t-il ajouté.
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T.Bailey--TNT