Colombie: les forces spéciales avancent dans les fiefs des guérillas
Les forces spéciales colombiennes avancent mardi dans le fief des guérillas marxistes près de la frontière avec le Venezuela, tentant de rétablir l'autorité de l'Etat face à la soudaine flambée de violence qui a forcé 20.000 personnes à fuir.
En six jours, les affrontements entre groupes armés de gauche pour le contrôle de territoires, de lucratives plantations de coca et de routes du trafic de drogue ont fait plus de 100 morts dans trois régions de Colombie.
La guérilla de l'ELN (Armée de libération nationale, guévariste) a lancé jeudi une attaque sanglante contre des dissidents rivaux de la défunte guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et la population civile dans la région montagneuse du Catatumbo (nord-est), frontalière du Venezuela.
Dans le sud, ce sont des affrontements entre des factions opposées des dissidents des FARC - qui ont refusé l'accord de paix de 2016 et repris les armes - qui ont fait au moins 20 morts lundi dans le département amazonien de Guaviare.
Et dans le nord, dans le département de Bolivar, des affrontements entre l'ELN et le cartel de narcotrafiquants du Clan del Golfo ont fait au moins neuf morts.
Mais c'est la situation dans le nord-est qui a poussé le gouvernement colombien à déclarer lundi l'état d'urgence et à mobiliser 5.000 soldats.
- Démonstration de force -
Les forces spéciales se sont déployées ostensiblement mardi dans la ville de Tibu, toute proche de la frontière vénézuélienne, avançant en tenue de camouflage à bord d'un convoi de véhicules blindés de transport de troupes et installant un poste de contrôle sur une route bordée d'une épaisse végétation, ont vu des journalistes de l'AFP.
Une démonstration de force visiblement destinée à convaincre les habitants que l'Etat a repris le contrôle de la situation.
Les hameaux des alentours de Tibu semblent complètement vides. Avec des messages comme "ELN présent" ou "la libération ou la mort", les guérillas font sentir leur présence à travers des graffitis et des affiches placardées sur les modestes habitations de bois et de tôle.
Pour de nombreux Colombiens, les récents affrontements, les pires dans le pays depuis des années, rappellent la guerre civile qui a fait environ 450.000 morts en plus d'un demi-siècle.
Outre les 20.000 déplacés, une trentaine de personnes ont été enlevées et un millier d'autres se terrent chez elles, incapables de sortir à cause des violences, selon les Nations unies.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné "les meurtres de civils, y compris d'anciens combattants qui avaient signé l'accord de paix de 2016, de défenseurs des droits humains et de leaders sociaux", selon son porte-parole Stéphane Dujarric.
Il a également appelé "à un arrêt immédiat des actes de violences contre la population civile et à un accès sans entrave à l'aide humanitaire".
- "Echec de la nation" -
Dans ce contexte, le président colombien Gustavo Petro a décidé de suspendre les négociations de paix engagées avec l'ELN.
"La situation du Catatumbo est instructive. On apprend aussi de ses échecs et il y a un échec ici. Un échec de la nation", a reconnu mardi M. Petro.
"Pourquoi l'ELN, qui était très faible militairement il y a quelques mois, est-il fort aujourd'hui?", s'est interrogé le dirigeant de gauche.
La plupart des membres des FARC ont déposé les armes à partir de 2016. Mais des factions dissidentes ont continué à prospérer dans certaines parties du pays, pratiquant le crime organisé et le trafic de drogue.
L'ELN, dont les effectifs sont estimés à 6.000 combattants, a parfois entamé des pourparlers de paix avant de faire marche-arrière.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, M. Petro peine à parvenir à de véritables accords de paix avec les guérillas, les gangs et les groupes de narcotrafiquants, ce qui lui vaut d'être taxé par ses détracteurs de mollesse à l'égard des insurgés.
S.Ross--TNT