Ukraine: visite surprise des chefs de la diplomatie allemande et néerlandaise
Le cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, et son homologue néerlandais Wopke Hoekstra étaient mardi en Ukraine, où les livraisons d'armes américaines devraient s'accélérer après la réactivation par Joe Biden d'un dispositif emblématique datant de la Seconde Guerre mondiale.
Annalena Baerbock s'est rendue à Boutcha, une ville près de Kiev où des centaines de civils tués avaient été découverts après l'occupation russe au mois de mars. Elle s'est entretenue avec des habitants de cette localité, a constaté un journaliste de l'AFP.
Le ministre néerlandais a lui tweeté des photos de rues d'Irpin, autre localité proche de Kiev où l'Ukraine accuse les Russes d'avoir massacré des civils en mars, et écrit qu'il rencontrerait des membres du gouvernement ukrainien et son homologue allemande.
Après des frappes sur Odessa lundi, qui ont fait au moins un mort et cinq blessés, l'état-major ukrainien a annoncé que les tirs d'artillerie et les frappes aériennes russes se poursuivaient mardi dans l'est du pays et sur l'aciérie d'Azovstal à Marioupol (sud-est).
Selon une haute responsable du gouvernement ukrainienne, "plus d'un millier de militaires" dont "des centaines de blessés" se trouvent toujours dans les galeries souterraines de cette immense aciérie, dernière poche de résistance ukrainienne de ce port stratégique du sud du Donbass.
Dans le reste du bassin du Donbass, les Russes "continuent de préparer des opérations offensives dans les régions de Lyman et Severodonetsk", selon l'état-major.
Le ministère russe de la Défense a lui annoncé la prise de Popasna, entre Kramatorsk et Lougansk dans le nord du Donbass, permettant aux forces russes et prorusses d'atteindre "la frontière administrative de la République populaire de Lougansk", république autoproclamée par les séparatistes prorusses, là où elle rejoint l'autre région séparatiste et république autoproclamée, celle de Donetsk.
- "Etape historique" -
L'aide militaire américaine, qui s'est déjà élevée à quelque 3,8 milliards de dollars depuis le début du conflit, devrait être encore facilitée par la signature, lundi, par le président Joe Biden de l'"Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act". Cette loi de "prêt-bail" reprend le dispositif adopté en 1941 par Roosevelt donnant au président américain des pouvoirs étendus pour soutenir l'effort de guerre en Europe.
"Je suis convaincu que Poutine croyait qu'il pouvait briser l'Otan, qu'il croyait qu'il pouvait briser l'Union européenne", a ajouté M. Biden un peu plus tard lors d'une opération de levée de fonds politique.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a vu dans l'adoption de cette loi une "étape historique": "Nous allons défendre la démocratie en Ukraine. Et en Europe. Comme il y a 77 ans", a-t-il écrit sur Twitter.
La date de cette signature, le 9 mai, coïncide avec le grand défilé militaire sur la place Rouge célébrant le 77ème anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie, lors duquel le président russe Vladimir Poutine a répété ses arguments pour justifier son invasion de l'Ukraine, lancée le 24 février.
Il a ainsi affirmé que l'Ukraine préparait une offensive contre les séparatistes prorusses dans l'est du pays, qu'elle voulait se doter de la bombe atomique, et a qualifié de "préventive" son attaque contre cet Etat.
- En Russie "contre leur gré" -
"Une menace absolument inacceptable se constituait, directement à nos frontières", a-t-il affirmé.
Nombreux étaient les Moscovites persuadés que la Russie combat de nouveau le fascisme, en Ukraine cette fois-ci, parmi les centaines de milliers qui ont marché lundi en souvenir des victimes de la guerre face à l'Allemagne nazie.
Les Occidentaux rejettent les arguments de M. Poutine. Le président russe "est dans la justification complètement révisionniste des motifs de guerre. Il a un discours de déni et d'inversion des responsabilités", a regretté le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian sur la chaîne de télévision BFMTV.
Les Etats-Unis ont qualifié lundi d'"absurdité flagrante" et d'"insulte" aux victimes les affirmations de Vladimir Poutine selon lesquelles l'invasion russe de l'Ukraine était "préventive".
Le Pentagone a affirmé le même jour que des Ukrainiens avaient été "envoyés contre leur gré" en Russie, sans pouvoir donner de chiffre. Kiev avance celui de 1,2 million de personnes déportées et placées dans des camps.
Le président français Emmanuel Macron, qui exerce la présidence tournante de l'UE, a toutefois appelé lundi à ne pas "humilier" la Russie car, a-t-il dit, "nous aurons demain une paix à bâtir".
Douchant les espoirs d'adhésion rapide de l'Ukraine à l'UE, il a prévenu lundi qu'une éventuelle entrée de l'Ukraine prendrait "des décennies" et proposé en attendant l'accession à un nouvel ensemble, une "communauté politique européenne", susceptible aussi d'accueillir des pays comme le Royaume-Uni.
- Piratages et protestations en Russie -
Sur le front des médias, la plateforme russe de vidéos Rutube était inaccessible mardi, victime de "la plus grande cyberattaque de son histoire".
La plateforme, qui se dit bloquée depuis lundi, impute l'attaque aux mêmes hackeurs qui ont "attaqué constamment les sites des institutions publiques russes" depuis le début de la guerre.
Lundi, les médias ukrainiens ont par ailleurs rapporté, photos à l’appui, que les systèmes de diffusion des chaînes de télévision russes MTS, NTV-Plus, Rostelecom et Winx avaient été piratés pour afficher le message "Le sang de milliers d'Ukrainiens et de centaines de leurs enfants tués est sur vos mains. La télévision et les autorités mentent. Non à la guerre".
Un long texte qualifiant de "sanglante et absurde" l'attaque de l'Ukraine par la Russie a également été publié lundi matin par deux journalistes du site d'information Lenta.ru, considéré comme loyal aux autorités russes, avant d'en être rapidement retiré.
"Nous cherchons maintenant du travail, des avocats et peut-être un asile politique", ont souligné ses auteurs, Egor Poliakov et Alexandra Mirochnikova.
Leur geste rappelle celui de Marina Ovsiannikova, de la chaîne nationale Pervy Kanal, qui s'est illustrée mi-mars en faisant irruption en direct lors du journal télévisé le plus regardé de Russie avec une pancarte critiquant l'opération militaire de Moscou en Ukraine.
Ces actes font risquer à leurs auteurs des poursuites pouvant conduire à de lourdes peines de prison, aux termes d'une loi réprimant toute "fausse information" sur l'armée russe.
burx-uh/cat/sg
S.Ross--TNT