Keir Starmer à Rome pour parler immigration avec Giorgia Meloni
Au lendemain d'un nouveau naufrage meurtrier de migrants dans la Manche, le Premier ministre britannique Keir Starmer s'est entretenu lundi à Rome avec son homologue italienne Giorgia Meloni de la lutte contre l'immigration illégale, sujet à l'origine de violentes émeutes au Royaume-Uni.
M. Starmer, qui a rejeté le plan du précédent gouvernement conservateur britannique d'expulser des migrants au Rwanda, se dit "intéressé" par la méthode de Mme Meloni, qui a signé en novembre 2023 un accord controversé avec Tirana prévoyant la création de deux centres pour migrants en Albanie.
Le dirigeant travailliste a été accueilli par la cheffe du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia à midi (10H00 GMT) dans un palais du XVIIème siècle situé dans l'immense parc romain de la villa Doria Pamphilj .
"Il y a eu ici (en Italie) une réduction assez spectaculaire (des entrées de migrants clandestins), donc je veux comprendre comment cela s'est produit", a expliqué M. Starmer lundi matin en visitant le Centre national de coordination (NCC) sur la migration à Rome.
"Il semble que cela ait commencé avec le travail en amont, effectué dans certains pays d'où viennent les gens. Je pense depuis longtemps que prévenir et empêcher les gens de partir est l'une des meilleures façons de résoudre cette question", a-t-il ajouté.
Quelques heures avant la rencontre Starmer-Meloni, Londres a annoncé la mise en place d'un commandement d'élite chargé de sécuriser les frontières du pays, l'une des promesses de campagne de Keir Starmer.
Elu en juillet, il a immédiatement été confronté aux plus importantes émeutes qu'ait connues le Royaume-Uni depuis 2011 et qui ont visé des mosquées et des centres d'hébergement pour migrants un peu partout dans le pays.
Dans la Manche, les traversées se poursuivent et les drames se succèdent: dans la nuit de samedi à dimanche, huit migrants sont morts dans le naufrage de leur embarcation de fortune au large des côtes françaises. Au total, 46 personnes ont péri ainsi depuis le début de l'année.
La visite de M. Starmer en Italie a suscité des critiques jusque dans ses propres rangs. La députée travailliste Kim Johnson, interrogée par le quotidien The Guardian, a ainsi regretté qu'il "aille chercher des enseignements auprès d'un gouvernement néo-fasciste".
Au contraire, à Rome le ministre de l'Intérieur Matteo Piantedosi a exprimé sa "grande satisfaction face à l'intérêt du Premier ministre britannique pour le modèle italien".
- Baisse des arrivées en Italie -
L'accord signé entre Rome et Tirana prévoit l'ouverture d'un premier centre dans le port de Shengjin (nord de l'Albanie) destiné à enregistrer les demandes d'asile, et d'un second dans la même région, où ils seront hébergés dans l'attente du traitement de leur demande.
Ces deux centres - financés et gérés par l'Italie, sur le territoire d'un pays qui ne fait pas partie de l'Union européenne (UE) mais y aspire - pourront accueillir jusqu'à 3.000 migrants arrivés en Italie par voie maritime.
Les migrants dont la demande d'asile sera rejetée seront renvoyés dans leur pays d'origine, tandis que ceux dont la demande est acceptée seront admis en Italie. Une différence notable avec l'ex-projet de Londres, aux termes duquel les demandeurs envoyés au Rwanda n'auraient pas pu recevoir l'asile au Royaume-Uni.
Le premier de ces centres pour migrants en Albanie devait ouvrir début août, mais a pris du retard.
Parallèlement, l'Italie de Mme Meloni a signé des accords avec la Tunisie prévoyant des aides financières en contrepartie d'efforts accrus pour réduire les départs de migrants, ainsi qu'avec la Libye, en vertu duquel l'Italie fournit une formation et un financement aux garde-côtes libyens afin d'endiguer les départs de migrants ou de renvoyer en Libye ceux qui sont déjà en mer.
Selon les chiffres du ministère italien de l'Intérieur, les arrivées de migrants par la mer ont considérablement baissé depuis le début de l'année : 44.675 entre le 1er janvier et le 13 septembre, contre 125.806 lors de la même période de 2023.
L'Organisation internationale des migrations et les ONG de secours des migrants en Méditerranée font toutefois valoir que les facteurs expliquant ces tendances sont multiples et qu'une partie des candidats à l'entrée dans l'UE ont tout simplement changé d'itinéraire.
Sur les huit premiers mois de l'année, les "détections" de migrants clandestins franchissant les frontières de l'UE ont diminué de 39%, selon l'agence Frontex. Mais si la route migratoire des Balkans et de Méditerranée centrale ont vu les flux nettement baisser (-77% et -64% respectivement), celle d'Afrique de l'Ouest et la frontière terrestre orientale ont enregistré de fortes hausses (+123% et 193% respectivement).
S.O'brien--TNT