Pérou: obsèques nationales pour l'ancien président controversé Fujimori
Les obsèques de l'ancien président Alberto Fujimori, qui a gouverné le Pérou d'une main de fer entre 1990 et 2000 avant de passer les dernières années de sa vie en prison pour corruption et crimes contre l'humanité, ont débuté samedi à Lima après trois jours de deuil national.
La cérémonie religieuse a débuté à la mi-journée au Grand Théâtre national de Lima, adjacent au ministère de la Culture, où depuis jeudi des milliers de sympathisants ont défilé devant son cercueil.
Dans la salle de 1.500 places, seuls les membres de la famille d'Alberto Fujimori et ses proches sont présents, face à un autel entouré de couronnes de roses blanches et d'un portrait de l'ancien président. "Chino, Chino", scande la salle, en reprenant le surnom de l'ancien dirigeant né au Japon.
A l’extérieur, des centaines de sympathisants suivent la cérémonie sur un écran géant, brandissant des photos de l'ancien dirigeant.
"Nous allons perpétuer son héritage, car le fujimorisme ne meurt jamais, il restera dans l'histoire", a déclaré Edgar Grados, un commerçant de 43 ans qui dit avoir parcouru plus de 100 km pour rendre un dernier hommage à l'ancien président.
L'ancien du Pérou est décédé mercredi à l'âge de 86 ans à son domicile de Lima des suites de cancers.
Après trois jours de deuil national, le pays andin de 32 millions d'habitants fait ses adieux lors de funérailles également nationales à Alberto Fujimori, qui a marqué l'histoire récente du Pérou en combattant les guérillas maoïstes, mais aussi profondément divisé les Péruviens.
Pour certains, il demeure l'homme qui a dopé l'essor économique du pays par ses politiques ultra-libérales et combattu avec succès les guérillas du Sentier lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste).
Après sa victoire sur le Sentier lumineux et l'arrestation de son chef Abimael Guzman, le magazine américain Time l'avait nommé en 1993 personnalité sud-américaine de l'année.
- 16 ans en prison -
Au contraire, d'autres se souviennent surtout des scandales de corruption et de ses méthodes autoritaires.
L'ex-dirigeant avait été condamné en 2009 à 25 ans de réclusion pour crimes contre l'humanité, notamment pour deux massacres de civils commis par un escadron de l'armée dans le cadre de la lutte contre le Sentier lumineux au début des années 1990: l'un dans le quartier de Barrios Altos (15 morts dont un enfant) et l'autre à l'université de la Cantuta (dix morts).
Alberto Fujimori était aussi poursuivi pour l'assassinat en 1992 par des soldats de six paysans soupçonnés d'être liés au Sentier lumineux.
Le conflit interne des années 1980 et 1990 a fait quelque 69.000 morts et 21.000 disparus au Pérou, civils pour la plupart, selon la Commission de vérité et de réconciliation (CVR).
Après 16 années passées en prison, Alberto Fujimori avait été libéré en décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle "pour raisons humanitaires", malgré l'opposition de la justice interaméricaine.
- "Laissons l'histoire juger" -
Il avait été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années. Une tumeur maligne lui avait été diagnostiquée à la langue et, en 2018, il avait rendu public un diagnostic de tumeur aux poumons.
L'ancien président avait fait irruption sur la scène publique en 1990 avec sa victoire électorale inattendue sur l'écrivain Mario Vargas Llosa, futur prix Nobel de littérature.
Sa fille Keiko Fujimori a repris son flambeau politique mais a échoué à trois reprises au second tour de la présidentielle.
Pas plus tard qu'en juillet, M. Fujimori avait envisagé une tentative de retour aux élections de 2026, selon sa fille.
À l'occasion de ses 80 ans en 2018, il avait déclaré à l'AFP: "Laissons l'histoire juger ce que j'ai bien fait et ce que j'ai mal fait".
Sa chute avait commencé en 2000 en raison d'un scandale de corruption. Il s'était alors réfugié au Japon, son pays de naissance, et avait démissionné par fax.
Lima avait ensuite passé des années à tenter en vain de convaincre Tokyo de l'extrader. A l'issue d'une longue bataille judiciaire, ce fut finalement le Chili, où il s'était rendu en 2005, qui l'extrada deux ans plus tard.
T.Allen--TNT