Crise au Venezuela: "nous n'abandonnerons pas la rue", lance l'opposition
Drapeaux et procès-verbaux à la main, l'opposition vénézuélienne a manifesté samedi à Caracas, promettant de ne pas "abandonner la rue" jusqu'à la victoire "finale" face au président socialiste Nicolas Maduro, dont elle conteste la réélection.
"Nous n'abandonnerons pas la rue", a lancé à des milliers de partisans, réunis dans l'est de la capitale, la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado. "Avec intelligence, avec prudence, avec résilience, avec audace (...) la contestation pacifique est notre droit".
"La voix du peuple se respecte. Le monde entier et tout le Venezuela reconnaissent que le président élu est Edmundo Gonzalez Urrutia", le candidat de l'opposition, a affirmé Mme Machado, vêtue de son traditionnel haut blanc et juchée sur la plateforme d'un camion.
Vivant dans la clandestinité depuis une quinzaine de jours, elle était montée sur le véhicule à un ou deux kilomètres de là, emmitouflée dans un manteau noir à capuche.
"Liberté" et "Jusqu'au bout" a crié la foule à son arrivée. Beaucoup brandissaient des drapeaux du Venezuela ou des copies des "procès-verbaux" de bureaux de vote, dont l'opposition et une partie de la communauté internationale réclament la publication.
Les manifestants ont ensuite entonné l'hymne national avant de se disperser.
Edmundo Gonzalez Urrutia, qui n'a pas été vu publiquement depuis le 30 juillet, n'était pas présent. "Nous avons les votes, nous avons les procès-verbaux, nous avons le soutien de la communauté internationale et nous avons des Vénézuéliens déterminés à se battre pour notre pays", a-t-il écrit sur X.
Le Conseil national électoral (CNE) a ratifié début août la victoire lors de l'élection du 28 juillet de M. Maduro avec 52% des voix, sans fournir le décompte exact ni les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d'un piratage informatique.
L'opposition et de nombreux observateurs mettent en doute la réalité de ce piratage informatique.
Selon l'opposition, qui a rendu publics les documents électoraux obtenus grâce à ses scrutateurs, Edmundo Gonzalez Urrutia, qui avait remplacé Maria Corina Machado déclarée inéligible, a remporté 67% des voix.
- "Très peur" -
"Si nous restons silencieux, cela n'a pas de sens. Cela a un sens d'honorer les morts, les vies qui ont été perdues à cause d'un gouvernement criminel qui veut s'enkyster au pouvoir", a dit à l'AFP Adriana Calzadilla, 55 ans, enseignante et artiste, portant une casquette sur laquelle des copies de procès-verbaux sont collées. "Ce moment est historique", s'est-elle enthousiasmée.
"Je sors aujourd'hui pour récupérer ce qui m'appartient (...) J'ai très peur, mais cette peur me fait marcher, elle ne me paralyse pas", a assuré Alejandra, une autre enseignante, âgée de 47 ans, qui a préféré rester anonyme.
Un important dispositif sécuritaire avait été déployé dans la capitale, ont constaté des journalistes de l'AFP.
L'annonce de la réélection de M. Maduro à un troisième mandat a provoqué au lendemain du scrutin des manifestations spontanées brutalement réprimées. De source officielle, 25 personnes sont mortes, 192 ont été blessées et 2.400 arrêtées.
L'opposition, qui n'avait jusqu'à présent organisé qu'une seule mobilisation, le 3 août, avait appelé à de grandes manifestations samedi dans tout le pays et dans plus de 300 villes à l'étranger.
Le coup d'envoi a été donné à Sydney et à Melbourne en Australie, où des manifestants se sont rassemblés en agitant des drapeaux vénézuéliens. Sur les réseaux sociaux, des photos de rassemblements ont afflué du monde entier.
- Grande marche nationale -
Le pouvoir a de son côté tenu une "grande marche nationale pour la paix" dans l'après-midi à Caracas. Vêtus de rouge, des milliers de partisans de M. Maduro ont défilé dans les rues, a constaté l'AFP. Des rassemblements ont également eu lieu dans plusieurs autres villes du pays, selon des images diffusées par la télévision publique.
Une grande partie de la communauté internationale s'est montrée sceptique après l'annonce des résultats officiels par le CNE. L'Union européenne, le Conseil permanent de l'Organisation des Etats américains (OEA) le Brésil et 22 pays ont demandé vendredi dans des déclarations distinctes la publication des "procès-verbaux".
Le président Maduro a une nouvelle fois vendredi balayé les critiques de l'étranger: "Nous n'acceptons (...) ni l'interventionnisme, ni que quiconque mette ses mains sales dans notre pays bien-aimé". Il a ensuite ironisé: "Nous préparons la délégation d'observateurs électoraux pour les élections du 5 novembre aux Etats-Unis".
S.Lee--TNT