Crise post-électorale au Venezuela: l'opposition dans la rue pour revendiquer la victoire
Drapeaux et procès-verbaux à la main, l'opposition vénézuélienne a commencé à se rassembler samedi à Caracas pour réclamer la "victoire" à la présidentielle de juillet face au président Nicolas Maduro, proclamé vainqueur et dont les partisans ont aussi prévu de défiler.
Des centaines de personnes sont arrivées au lieu de rassemblement de l'opposition dans l'est de la capitale. Beaucoup brandissent des drapeaux du Venezuela ou des copies des fameux "procès-verbaux" de bureaux de vote.
L'opposition et une partie de la communauté internationale réclament depuis le scrutin du 28 juillet leur publication.
Le Conseil national électoral (CNE) a ratifié début août la victoire de M. Maduro avec 52% des voix, sans fournir le décompte exact ni les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d'un piratage informatique.
L'opposition et de nombreux observateurs mettent en doute la réalité de ce piratage informatique.
Selon l'opposition, qui a rendu publics les documents électoraux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, qui avait remplacé la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado déclarée inéligible, a remporté 67% des voix.
-"Très peur"-
"Si nous restons silencieux, cela n'a pas de sens. Cela a un sens d'honorer les morts, les vies qui ont été perdues à cause d'un gouvernement criminel qui veut s'enkyster au pouvoir", dit à l'AFP Adriana Calzadilla, 55 ans, enseignante et artiste, portant une casquette sur laquelle des copies de procès-verbaux sont collées. "Ce moment est historique", s'enthousiasme-t-elle.
"Je sors aujourd'hui pour récupérer ce qui m'appartient (...) J'ai très peur, mais cette peur me fait marcher, elle ne me paralyse pas", assure Alejandra, une autre enseignante, âgée de 47 ans, qui préfère rester anonyme.
Un important dispositif sécuritaire a été déployé dans la capitale, ont constaté des journalistes de l'AFP. La vie quotidienne est toutefois normale et les commerces ouverts.
"C'est une journée historique (...). Nous devons rester fermes et unis", a déclaré avant la manifestation Mme Machado sur les réseaux sociaux. "Ils essaient de nous faire peur, de nous diviser, de nous paralyser, de nous démoraliser, mais ils ne le peuvent pas parce qu'ils sont absolument retranchés dans leur mensonge, dans leur violence, dans leur illégitimité".
"Les manifestations sont une force qui fera respecter la décision de changement et de paix pour laquelle des millions d'entre nous ont voté le 28 juillet", a pour sa part écrit M. Gonzalez Urrutia sur X. "Nous avons les votes, nous avons les procès-verbaux, nous avons le soutien de la communauté internationale et nous avons des Vénézuéliens déterminés à se battre pour notre pays".
L'annonce de la réélection de M. Maduro pour un troisième mandat a provoqué des manifestations spontanées, qui ont été réprimées brutalement. De source officielle, 25 personnes sont mortes, 192 ont été blessées et 2.400 arrêtées.
L'opposition, qui n'a jusqu'à présent organisé qu'une seule mobilisation, le 3 août, a appelé à de grandes manifestations samedi dans tout le pays mais aussi dans plus de 300 villes à l'étranger.
Le coup d'envoi a été donné à Sydney et à Melbourne en Australie, où des manifestants se sont rassemblés en agitant des drapeaux vénézuéliens. Sur les réseaux sociaux, des photos de rassemblements affluent du monde entier.
- Grande marche nationale-
Mme Machado et M. Gonzalez Urrutia vivent dans la clandestinité depuis une quinzaine de jours alors que M. Maduro a estimé qu'ils méritaient d'être "en prison".
Le pouvoir a, pour sa part, prévu une "grande marche nationale pour la paix" à Caracas dans l'après-midi. Des centaines de motards étaient rassemblés dans l’ouest de la capitale, à Pétare, non loin du lieu de rassemblement de l'opposition.
Des centaines d'autres partisans ont aussi commencé à défiler dans la ville de San Fernando de Apure (sud-ouest), selon des images de la télévision publique.
Une grande partie de la communauté internationale s'est montrée sceptique après l'annonce des résultats officiels par le CNE. L'Union européenne, le Conseil permanent de l'Organisation des Etats américains (OEA) le Brésil et 22 pays ont demandé vendredi dans des déclarations distinctes la publication des "procès-verbaux".
Le président Maduro a, lui, une nouvelle fois balayé les critiques de l'étranger: "Nous n'acceptons (...) ni l'interventionnisme, ni que quiconque mette ses mains sales dans notre pays bien-aimé". Il a ensuite ironisé: "Nous préparons la délégation d'observateurs électoraux pour les élections du 5 novembre aux Etats-Unis."
S.Lee--TNT