Russie: début du procès pour espionnage du journaliste américain Gershkovich
Le journaliste américain Evan Gershkovich, détenu en Russie depuis 15 mois pour des accusations d'espionnage qu'il rejette, est arrivé mercredi à un tribunal d'Ekaterinbourg, dans l'Oural, pour le premier jour de son procès qui se tiendra à huis clos.
M. Gershkovich, reporter au Wall Street Journal et âgé de 32 ans, a été interpellé en mars 2023 par les services de sécurité russes (FSB), devenant le premier journaliste occidental depuis l'époque soviétique à être accusé d'espionnage en Russie.
Le reporter est apparu mercredi dans un box vitré du tribunal régional de Sverdlovsk, le crâne rasé et portant une chemise sombre à carreaux.
Il a souri aux journalistes qu'il reconnaissait, leur adressant un "salut" à peine audible.
La presse accréditée a eu un bref accès à la salle avant le début du procès, à huis clos, à 06H00 GMT.
Les enquêteurs accusent M. Gershkovich, qui a aussi travaillé pour l'AFP à Moscou de 2020 à 2022, d'avoir collecté des informations sensibles pour le compte de la CIA sur l'un des principaux fabricants d'armements du pays, le producteur de chars Ouralvagonzavod.
Ouralvagonzavod produit notamment des chars T-90 utilisés en Ukraine et le tank de nouvelle génération Armata, ainsi que des wagons de marchandises.
M. Gershkovich, son employeur et ses proches rejettent fermement ces accusations, tout comme Washington, qui a accusé Moscou d'avoir monté l'affaire de toutes pièces afin d'échanger le journaliste contre des Russes détenus en Occident.
Pour le Wall Street Journal, le reporter, qui encourt jusqu'à 20 ans de prison, a été arrêté pour avoir "simplement fait son travail". Il a passé sa détention provisoire dans la célèbre prison moscovite de Lefortovo mais est jugé à Ekaterinbourg, où il a été arrêté.
Le gouvernement russe n'a jamais étayé ses accusations, l'ensemble du dossier ayant été classé secret.
- Négociations en vue d'un échange -
La famille de M. Gershkovich a expliqué à l'AFP début 2024 compter sur la promesse du président américain Joe Biden d'obtenir la libération du journaliste.
Un haut responsable diplomatique russe, Sergueï Riabkov, a révélé la semaine dernière que Moscou avait fait une proposition à Washington en vue d'un échange de prisonniers, sans révéler le contour exact de cette offre. Selon lui, "la balle est dans le camp des Etats-Unis".
Le président russe Vladimir Poutine a déjà reconnu que des négociations étaient en cours avec Washington et sous-entendu qu'il exigeait la libération de Vadim Krassikov, condamné à la prison à vie en Allemagne pour avoir assassiné à Berlin en 2019, pour le compte de Moscou, un ex-commandant séparatiste tchétchène.
La Russie détient plusieurs autres Américains, dont la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, arrêtée l'année dernière pour une infraction à la loi sur les "agents de l'étranger", et l'ex-marine Paul Whelan, qui purge une peine de 16 ans de prison pour espionnage, accusation qu'il conteste.
Fils d'émigrés juifs venus d'URSS, Evan Gershkovich a grandi dans le New Jersey et travaillait en Russie depuis 2017 pour plusieurs médias.
Lors de quelques apparitions au tribunal pour des audiences devant statuer sur sa détention provisoire, M. Gershkovich était apparu jovial et souriant. Il avait dit en 2023 dans une lettre à son journal "ne pas perdre espoir".
L'ambassadrice américaine en Russie, Lynne Tracy, qui lui a rendu visite en prison en mai, a assuré que le reporter "garde une attitude positive, attendant le début de la procédure judiciaire pour un crime qu'il n'a pas commis".
A.M.Owen--TNT