Israël: la Cour suprême ordonne la conscription des étudiants en écoles talmudiques
La Cour suprême israélienne a ordonné mardi la conscription des étudiants en écoles talmudiques jusqu'ici exemptés, ce qui pourrait affaiblir la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu soutenue par des partis ultra-orthodoxes.
"L'exécutif n'a pas l'autorité pour ordonner de ne pas appliquer la loi sur le service militaire aux étudiants de yeshiva (écoles talmudiques) en l'absence d'un cadre légal adéquat", a jugé la Cour. "Sans ancrer cette exemption dans un cadre légal, l'Etat doit agir pour imposer la loi".
Cette décision intervient alors que le Parlement a relancé le 11 juin un projet de loi en vue d'une conscription progressive des ultra-orthodoxes, sur fond de guerre dans la bande de Gaza.
Le service militaire est obligatoire en Israël, mais les juifs ultra-orthodoxes (13% de la population) peuvent l'éviter s'ils se consacrent à l'étude des textes sacrés du judaïsme, en vertu d'une exemption instaurée par David Ben Gourion, fondateur de l'Etat d'Israël, en 1948.
Certains détracteurs estiment que le texte étudié par le Parlement, soutenu par M. Netanyahu mais tancé par le ministre de la Défense Yoav Gallant, est loin de répondre aux besoins en effectifs de l'armée israélienne.
"Dans l'état actuel des choses, la non-exécution de la loi sur le service militaire crée une grande discrimination entre ceux qui sont tenus de le faire et ceux pour qui les mesures ne sont pas prises pour les mobiliser (au sein de l'armée)", a jugé la Cour suprême mardi.
"En ce moment, en plein milieu d'une guerre difficile, l'inégalité du fardeau est plus marquée que jamais et requiert la mise en place d'une solution durable", d'après la Cour.
- Ecart -
Malgré les "implications politiques et budgétaires" de cette décision, il se pourrait que sa mise en oeuvre soit longue et difficile, estime Gilad Malach, spécialiste de la communauté ultra-orthodoxe à l'Institut pour la démocratie en Israël.
"Il semble qu'il y ait un large écart entre le nombre de personnes pouvant être mobilisées, près de 70.000, et le nombre de ceux qui le seront", dit-il à l'AFP, prédisant que seuls quelques milliers le seront cette année car l'armée "doit se préparer".
Sur le plan politique, "il est possible" que les partis ultra-orthodoxes "démissionnent afin de ne pas contribuer au recrutement des ultra-orthodoxes".
M. Netanyahu perdrait alors sa majorité au Parlement (64 sièges sur 120), les deux partis ultra-orthodoxes disposant de 18 députés.
"Ceux-ci ne menacent pas de renverser le gouvernement pour l'instant", d'après le site d'informations ultra-orthodoxe Kikar Hashabat.
Le Likoud, parti de M. Netanyahu (droite), a estimé "surprenant que la Cour suprême, qui a évité de forcer le recrutement des étudiants de yeshiva pendant 76 ans, le fasse justement maintenant, juste avant que ne soit finalisé le projet de loi historique (de conscription progressive, NDLR)".
Le chef du parti Judaïsme unifié de la Torah (ashkénaze), Yitzhak Goldknopf, a critiqué "une décision attendue, fort malheureuse et décevante" et l'autre formation ultra-orthodoxe, Shass (séfarade), a jugé qu'"aucun pouvoir" ne pouvait "empêcher le peuple d'Israël d'étudier la Torah".
Le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, l'un des plaignants devant la Cour suprême, a lui appelé "le gouvernement et le ministre de la Défense à respecter la décision" et "mobiliser les étudiants de yeshiva".
Le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, a salué une décision "claire", estimant que des "dizaines de milliers d'ordres de recrutement" devaient être émis "pour les jeunes hommes ultra-orthodoxes qui ont échappé au service militaire".
S.Clarke--TNT