Inquiets de la corruption, les Mongols appelés aux urnes cette semaine
Les Mongols voteront vendredi pour des élections législatives à l'issue desquelles le parti au pouvoir devrait conserver sa majorité malgré la lassitude face à la corruption et les inquiétudes des jeunes vis-à-vis du pouvoir d'achat.
Les électeurs de ce vaste mais peu peuplé (3,4 millions d'habitants) pays d'Asie de l'Est, voisin de la Chine et de la Russie, éliront 126 membres du Grand Khural d'Etat - le parlement national.
Dans les rues de la capitale Oulan-Bator, les innombrables affiches de propagande électorale représentent tout le spectre politique, des libéraux favorables au marché jusqu'aux nationalistes, en passant par des hommes d'affaires populistes et des écologistes.
Le Parti du peuple mongol (PPM), actuellement au pouvoir et dirigé par le Premier ministre Luvsannamsrain Oyun-Erdene, devrait conserver la majorité, dont il jouit depuis 2016.
Cela devrait lui permettre de gouverner pour quatre années supplémentaires ce pays riche en ressources naturelles.
Selon des analystes, ce succès annoncé est dû principalement à l'essor du secteur du charbon, qui a permis d'atteindre une croissance à deux chiffres et d'améliorer considérablement le niveau de vie.
Mais les inquiétudes restent vives à l'égard d'un pouvoir d'achat mis à mal par deux années d'inflation à deux chiffres (elle est redescendue à 7%) et par le sentiment chez nombre de Mongols d'une corruption généralisée.
Dimanche, devant un meeting du parti au pouvoir dans un parc d'Oulan-Bator, un retraité, Tumurkhuyag Bayanmunkh, estime que les politiques sont "tous les mêmes".
- "Pas les moyens" -
"Le parlement est plein de riches qui promettent des changements et des améliorations, mais ils nous oublient dès le lendemain" de l'élection, déclare à l'AFP l'homme de 46 ans.
"J'ai travaillé dans une mine pendant 25 ans. Mais je n'ai même pas les moyens de me payer quoi que ce soit (...) Quelques membres de l'élite profitent du secteur (minier), pas les gens ordinaires", peste-t-il.
Le parti au pouvoir a promis de s'attaquer à la corruption lorsque des centaines de personnes sont descendues fin 2022 dans les rues d'Oulan-Bator pour dénoncer la corruption, selon elles, d'une partie du personnel politique lié aux entreprises étatiques du secteur du charbon.
La Mongolie a fortement chuté ces dernières années dans le classement de l'ONG Transparency International, basé sur l'indice de perception de la corruption, pour se trouver au 121e rang sur 180.
"La classe moyenne se réduit, les revenus réels stagnent et les gens ont l'impression de ne pas profiter des richesses minières", déclare à l'AFP l'analyste Munkhnaran Bayarlkhagva.
Le pays a par ailleurs chuté dans le classement de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse, pour se trouver au 109e rang sur 180.
Selon la Confédération des journalistes mongols, 20 journalistes font actuellement l'objet d'une enquête des autorités pour leurs reportages.
- Fuite des jeunes -
Au meeting de dimanche, les seniors d'Oulan-Bator constituaient le contingent le plus nombreux, ce qui illustre la fracture générationnelle dans un pays où les deux tiers de la population ont moins de 35 ans.
"Les jeunes ne votent pas pour (le PPM)", déclare à l'AFP Norovbanzad Ganbat, une informaticienne de 26 ans.
De nombreux jeunes quittent la Mongolie pour la Corée du Sud ou les Etats-Unis à la recherche d'une vie meilleure, souligne-t-elle. "Mais pas moi, je veux vivre et travailler, heureuse, dans mon pays", assure-t-elle.
Cependant "les jeunes ne sont pas assez valorisés : après les études supérieures, notre diplôme, nos connaissances et notre talent sont sous-évalués, le salaire moyen est trop bas", souligne-t-elle.
Le PPM demeure toutefois populaire, notamment auprès des électeurs ruraux et âgés.
"Ils ont plutôt bien géré le Covid, l'économie va bien grâce aux exportations de charbon et aux prix du cuivre", souligne Julian Dierkes, spécialiste de la Mongolie qui enseigne à l'université de Colombie britannique (Canada).
L'opposition apparaît elle divisée, voire discréditée, avec un Parti démocrate et ses politiques favorables au marché régulièrement accusé d'avoir alimenté les inégalités de revenus.
Au meeting de dimanche, un retraité de 79 ans, Namdag Sharav, se déclare lui "très content" des autorités, qui ont augmenté sa pension de 80 dollars (75 euros).
"Le gouvernement a commencé à faire un gros travail. On devrait le laisser finir ce qu'il a commencé", déclare-t-il.
F.Hammond--TNT