Génériques : Bpifrance entre en jeu dans le rachat sensible de Biogaran
La banque publique d’investissement Bpifrance est entrée en jeu dans le dossier sensible du rachat de Biogaran, en soutenant le fonds britannique BC Partners pour reprendre la plus grande marque de génériques en France.
Le fonds BC Partners a déposé une offre "aux côtés de la banque publique d'investissement Bpifrance" pour racheter Biogaran, le champion des génériques en France, propriété du laboratoire pharmaceutique Servier, a appris l'AFP lundi auprès d'une source proche du dossier.
Bpifrance intervient en tant qu'investisseur minoritaire dans cette opération dont le montant n'a pas été divulgué, ajoute cette source. La banque n'a pas souhaité commenter.
Pourquoi une telle alliance? L'économiste de la santé Nathalie Coutinet y décèle "une sorte de volonté de l’État de ne pas perdre totalement la main sur Biogaran" et "d'influencer les décisions qui seront prises par ce fonds".
Car ce laboratoire est "très stratégique": une boîte de médicaments sur huit est vendue sous sa marque dans les pharmacies de l'Hexagone. La moitié de son portefeuille de médicaments est fabriqué en France, via ses 39 sous-traitants.
Le coinvestissement de Bpifrance donne à cette offre une coloration tricolore alors que le Royaume-Uni ne fait plus partie de la zone euro.
Mi-juin, la société pharmaceutique française Benta Lyon a déposé une offre comprise "entre 800 et 900 millions d'euros"pour reprendre Biogaran, selon un expert du secteur.
Benta Lyon appartient à la holding française Benta SAS, propriété de l'investisseur libanais Bernard Tannoury.
Avec ses 118 collaborateurs et sa prévision de chiffre d'affaires de 24 millions d'euros cette année, sa taille tranche toutefois avec les 240 salariés et le milliard de ventes brutes dépassé par Biogaran l'an dernier.
- "Dossier politiquement sensible" -
Le dossier est à la fois "politiquement sensible" et "important en termes de santé publique": "dans un contexte de pénuries, politiquement il n'est pas possible de laisser Biogaran sous contrôle étranger total", insiste Mme Coutinet.
L’État s'est engagé à œuvrer en faveur de la souveraineté sanitaire, s'efforçant de relocaliser des médicaments essentiels et d'attirer des investissements supplémentaires dans la santé.
Fin mai, le Premier ministre Gabriel Attal, opposé à une vente de Biogaran, a prévenu que "tout repreneur non européen" devait s'attendre à "des conditions drastiques" et se voir soumis à la procédure de contrôle des investissements étrangers en France (IEF).
Dans le viseur, deux génériqueurs indiens, Torrent Pharmaceuticals et Aurobindo Pharma, identifiés comme candidats au rachat de Biogaran.
Dans son offre de rachat remise à la banque Lazard mercredi soir, BC Partners, qui a un bureau à Paris depuis 1986 et un patron français, a "accepté un certain nombre de contraintes" dictées par le gouvernement, selon un proche du dossier.
Il est question du maintien en France du siège social et d'"une grande majorité de la production" de médicaments, détaille-t-on à l'AFP.
La société financière, qui a réalisé une kyrielle d'opérations en France, a été notamment propriétaire de Picard Surgelés. L'une de ses dernières transactions a été le rachat en 2022 du vendéen Havea, un acteur majeur dans les compléments alimentaires.
Le fonds voit dans le développement des génériques, des biosimilaires (copies moins chères des médicaments biologiques, produits à partir de cellules ou d'organismes vivants) et de la vente des médicaments sans ordonnance des axes de croissance pour Biogaran.
L'avenir de Biogaran se discute alors que la santé est une thématique prioritaire pour les différents blocs politiques opposés lors des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.
Si le gouvernement laissait partir la société à l'étranger, il pourrait "s'attirer les foudres" des autres camps, en pleine campagne, souligne Mme Coutinet.
Aucune décision n'est toutefois attendue avant les résultats du scrutin. "A moins que le gouvernement n'annonce un accord avec une participation française pour rassurer tout le monde" et "pour marquer des points", tempère l'experte.
Mais "si Jean-Luc Mélenchon est Premier ministre, je ne vois pas comment Servier peut vendre" sa filiale, glisse une autre source.
V.Bennett--TNT