Nouvelle-Calédonie: les indépendantistes sous le choc après le transfert de militants en métropole
Figures marquantes d'un collectif d'indépendantistes kanak soupçonné d'avoir orchestré les troubles en Nouvelle-Calédonie, sept militants, dont le porte-parole Christian Tein, ont été envoyés en métropole pour y être incarcérés, un acte de "déportation politique" dénoncent les uns quand les autres saluent "l'Etat de droit".
Stupeur, incompréhension, abattement: la décision d'envoyer en détention provisoire en métropole, à 17.000 km de chez eux, des militants indépendantistes liés à la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), a plongé la communauté dans le désarroi.
Sept des onze interpellés mercredi se sont envolés dans la nuit de samedi à dimanche à bord "d’un avion spécialement affrété à cette mission", a souligné le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas, dans un communiqué.
"L’ensemble des responsables, des militants et sympathisants de l’Union Calédonienne ont appris avec stupeur la déportation en métropole dans la nuit des responsables et militants de la CCAT, dont notre Commissaire Général Bichou Tein (Christian Tein) ainsi que deux mamans d’enfants en bas âge", s'est insurgé l'Union calédonienne (UC), parti politique impliqué dans la création de la CCAT en novembre 2023.
"Les responsables de la CCAT ne sont en rien des commanditaires d’exactions mais aujourd’hui des martyrs de la justice coloniale", a poursuivi l'UC, composante la plus radicale du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), réclamant "l’annulation de cette déportation politique".
- Eviter les "pressions" -
Outre Christian Tein, qui doit être incarcéré à Mulhouse, Brenda Wanobo, chargée de la communication de la CCAT, est en route pour le centre pénitentiaire de Dijon alors que Frédérique Muliava, directrice de cabinet du président du Congrès de Nouvelle-Calédonie Roch Wamytan, prend elle la direction de Riom, près de Clermont-Ferrand, selon leurs avocats.
Interrogés par l'AFP, les conseils des personnes interpellées ont tous indiqué que la décision du placement en détention provisoire en métropole était totalement inattendue et n'a jamais été discutée lors du débat avec le juge des libertés et de la détention, qui s'est déroulé à huis clos, de façon inhabituelle.
Le procureur à Nouméa a justifié cette mesure "en raison de la sensibilité de la procédure et afin de permettre la poursuite des investigations de manière sereine, hors de toute pression ou concertation frauduleuse".
Onze personnes avaient été interpellées mercredi lors d'un vaste coup de filet visant la CCAT, commanditaires présumés des violences commises depuis six semaines sur l'archipel du Pacifique sud ayant fait 9 morts, dont deux gendarmes, sur fond de contestation d'un projet de dégel du corps électoral, depuis suspendu par Emmanuel Macron.
Toutes ont été mises en examen, notamment pour complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime.
Neuf ont fait l’objet d’une mesure de placement en détention provisoire, "décision conforme aux réquisitions du parquet et à la demande des magistrats instructeurs", a précisé le procureur. Deux mis en examen, dont Joël Tjibaou, l'un des quatre fils du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou assassiné en 1989, ont demandé un débat différé.
Deux des onze mis en examen ont été placés sous contrôle judiciaire.
- "Retour à l'ordre" -
Dans le camp des non-indépendantistes, la satisfaction est de mise.
"Pour l'instant, l'État semble aller dans le bon sens avec le retour à l'ordre et l'envoi des commanditaires présumés en métropole", a réagi auprès de l'AFP le député Renaissance sortant (2ème circonscription) Nicolas Metzdorf, candidat aux prochaines législatives dans la 1ère circonscription cette fois.
"Ils ont été arrêtés, c'est une première étape. Désormais, si on reconnaît leur culpabilité, il faut qu'ils soient condamnés sévèrement. On est encore dans un État de droit, on est encore en France, en Nouvelle-Calédonie", a poursuivi l'élu, rapporteur du projet de loi de dégel du corps électoral.
La CCAT a fait savoir qu'elle donnerait une conférence de presse mardi. Le FLNKS tiendra un bureau politique dans la semaine, avant son Congrès le 13 juillet, a appris l'AFP de source proche.
Samedi, le couvre-feu instauré depuis le 14 mai a été prolongé jusqu'au 1er juillet (de 20h00 à 6h00).
S.Arnold--TNT