The National Times - En Nouvelle-Calédonie, "les oubliés" du Mont-Dore

En Nouvelle-Calédonie, "les oubliés" du Mont-Dore


En Nouvelle-Calédonie, "les oubliés" du Mont-Dore
En Nouvelle-Calédonie, "les oubliés" du Mont-Dore / Photo: © AFP

Gardé par des hommes costauds originaires de Wallis, l'hypermarché est un peu le centre du monde. A quelques mètres, d'interminables barrages indépendantistes, une route d'accès bloquée et un triste fait: la mort d'un gendarme. Au Mont-Dore, près de Nouméa, les habitants ont la vie dure.

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La troisième commune de Nouvelle-Calédonie, à la végétation abondante, est distante de la capitale d'environ 40 km. Ce ne pourrait être qu'un voyage express sur la RP1 mais au lieu de cela, c'est une galère depuis presque 40 ans, devenue un enfer depuis le 13 mai et les troubles qui agitent l'archipel du Pacifique sud.

"On a des problèmes de circulation sur une traversée de tribu qui s'appelle Saint-Louis depuis de très nombreuses années", explique Florent Perrin, président de l'association Citoyen mondorien, créée en 2016.

Depuis les tensions provoquées par un projet de loi de réforme constitutionnelle, les Mondoriens n'ont d'autre choix que de prendre le bateau pour aller travailler ou être ravitaillés.

Robert Leconte patiente depuis 6H00 lundi matin parmi 300 personnes environ au débarcadère de Vallon-Dore pour espérer embarquer.

"C'est terrible, on est un peu les oubliés", se désole-t-il. "On ne peut pas prendre la route parce qu'ils tirent sur les voitures, ils font des car-jackings. C'est les rois du pétrole, là-bas !"

- Obstacles innombrables -

Le 15 mai, le sous-officier du peloton de gendarmerie mobile de Melun (Seine-et-Marne) Nicolas Molinari, âgé de 22 ans, qui circulait en voiture avec ses collègues, a été tué sur cette route, après avoir été la cible d'une quinzaine de coups de feu.

Cela s'est passé dans le sud du Mont-Dore, à la Coulée, à proximité de l'hypermarché de la commune et des commerces attenants, objets de toutes les attentions.

Sur la route qui mène au magasin, de nombreux barrages s'étalent sur plusieurs kilomètres, tenus par des indépendantistes. Il faut slalomer entre les chicanes pour circuler. Les obstacles innombrables sont faits de troncs d'arbres, de gros électro-ménager, de voitures, de camionnettes et même de bateaux calcinés. Le drapeau de Kanaky (le nom de la Nouvelle-Calédonie pour les indépendantistes) flotte sur la plupart des épaves. Il a même été planté sur un rond-point à côté des drapeaux breton, corse et algérien.

Les indépendantistes, machette à la main pour certains, observent les automobilistes, accroupis sur les talus qui bordent la route ou postés sur différents points de leur campement. Mieux vaut ne pas s'arrêter.

L'accès à l'hypermarché se fait via un long cordon de Wallésiens au physique impressionnant, qui se sont organisés pour assurer la sécurité du bâtiment où leurs femmes travaillent.

Les clients s'y pressent pour faire leurs achats, à raison de deux produits maximum par personne. Les rayons de féculents, céréales, fruits et légumes sont quasi vides, faute d'approvisionnement.

A deux pas, une boulangerie vient de rouvrir pour la matinée après deux semaines de fermeture. Rupture de farine.

"C'est vraiment très compliqué, on a du mal à s'approvisionner en matières premières, on n'est pas livré à cause des blocages", regrette le gérant Jean-Jacques Surelle, qui se sent lui aussi "oublié".

"On est toujours sur le qui-vive. On est obligés de s'organiser, de se défendre nous-mêmes, nos bâtiments", déplore le boulanger, qui a dû faire des demandes de chômage partiel et devra, si "ça n'évolue pas", procéder au licenciement économique d'une partie de ses 15 salariés.

La société Paddock Creek, qui produit des oeufs pour en livrer 65.000 par jour sur tout l'archipel, n'a pu faire mieux qu'une livraison de 16.000 oeufs lundi. "Les poules n'ont rien à manger", dit le chef de la ferme, Jean-Louis Rossignol.

"Il faut déjà qu'il y ait une intervention des forces de l'ordre le plus rapidement possible pour au moins nous dégager la voie et les barrages", demande Florent Perrin. "On essaye d'apaiser les tensions pour que les uns et les autres ne sortent pas dans la rue à faire n'importe quoi mais à un moment donné, ça ne tiendra plus".

Sollicité par l'AFP, le haut-commissariat de la République assure que "l'État reste pleinement mobilisé sur l'ensemble du territoire" et que "les efforts se poursuivent pour un retour à la normalité".

S.Arnold--TNT