En Bulgarie, retour en force des conservateurs après six législatives en trois ans
Les Bulgares, qui ont voté dimanche pour élire leurs députés, parallèlement aux élections européennes, ont nettement placé en tête les conservateurs, sans garantie cependant d'une sortie de l'impasse.
Le vent de changement qui soufflait sur le pays des Balkans à l'été 2020 est bel et bien retombé. Et celui qui avait été chassé du pouvoir après des manifestations contre la corruption, l'ex-Premier ministre Boïko Borissov, revient en force.
Avec 26 à 28% des voix selon des sondages publiés à la sortie des urnes, son parti Gerb devance nettement les réformateurs de la coalition Continuons le changement/Bulgarie démocratique (autour de 15%) qui n'ont pas réussi à maintenir l'élan après des manifestations massives contre la corruption à l'été 2020.
M. Borissov va-t-il pour autant réussir à former une majorité pour gouverner? Les négociations s'annoncent compliquées, les analystes évoquant déjà le spectre d'un septième vote à l'automne.
Dans les bureaux de vote de Sofia, les habitants ont été peu nombreux à se déplacer: le taux de participation est estimé à quelque 30%, au plus bas depuis des décennies.
"Nous sommes las des élections, nous voulons stabilité et prospérité pour notre pays", dit à l'AFP Margarita Semerdzhieva, une retraitée âgée de 72 ans.
- "Homme fort" -
Devant la succession de scrutins et une crise politique sans précédent depuis la fin du communisme, le camp réformateur a subi une claque, alors que le vétéran "Boïko" a tiré son épingle du jeu.
Ancien pompier et garde du corps, ce colosse au crâne rasé renvoie l'image d'un "homme fort", et c'est ce que recherchent précisément 49% des Bulgares selon une récente étude de l'Institut Open Society.
En votant dans une école en périphérie de la capitale, le responsable de 64 ans s'est posé en garant de la "stabilité", à un moment de grandes incertitudes en Europe avec la guerre en Ukraine.
De quoi séduire dans ce pays le plus pauvre de l'Union européenne, où le marasme actuel a mis en suspens les réformes, repoussé l'adhésion à la zone euro et compromis l'accession pleine et entière à l'espace de libre circulation Schengen.
"Il faut que la situation se calme enfin. On a tenté toutes sortes d'expériences pour remplacer Boïko Borissov mais personne n'a réussi", lance Blagovesta Petkova, une institutrice de 44 ans.
Mais les détracteurs de M. Borissov brandissent ses liens avec le député Delyan Peevski, un ancien magnat des médias visé par des sanctions américaines et britanniques pour corruption.
A la tête du parti de la minorité turque MDL (15% des voix), M. Peevski pourrait former une coalition avec Gerb, évoquant dimanche la nécessité d'un "nouveau départ" pour que "le pays puisse se développer".
- "Préserver le statu quo" -
Leurs adversaires mettent en garde contre un retour en arrière, sous l'influence de "forces de l'ombre".
"Nous sommes à la croisée des chemins", a averti Kiril Petkov, co-fondateur de CC qui a brièvement dirigé le gouvernement en 2022, tandis que son allié Hristo Ivanov a appelé à "ne pas laisser la Bulgarie entre les mains de Peevski".
"C'est le fléau" du pays, commente auprès de l'AFP l'ex-Premier ministre Nikolay Denkov.
Avec Boïko Borissov, M. Peevski n'a qu'un but selon lui: "préserver le statu quo", notamment au niveau de la justice et des services de renseignement, de crainte qu'on ne fouille dans des affaires qui pourraient les incriminer.
De l'avis des experts, les réformistes de CC/BD ont été sanctionnés dans les urnes pour avoir accepté de gouverner avec leurs ennemis de Gerb, après les avoir tant voués aux gémonies.
Les deux forces avaient mis de côté en juin 2023 leurs différends pour former un gouvernement pro-occidental et barrer la route aux cabinets intérimaires mis en place par le président Roumen Radev sensible aux thèses du Kremlin. Mais cette fragile union n'aura duré que neuf mois.
La campagne, associée à celle des élections européennes, a été marquée par une vague de propagande et de désinformation anti-UE dans un pays où la nostalgie de l'époque communiste reste forte. Dans ce contexte, les nationalistes prorusses de Vazrajdane (Renaissance) ont récolté de 12 à 14% des voix.
C.Blake--TNT