Une loi contre les ingérences étrangères en passe d'être adoptée au Parlement
Les députés devraient définitivement adopter mercredi une loi pour renforcer l'arsenal français contre les ingérences étrangères, toujours au cœur de l'actualité, une partie de la gauche s'inquiétant de dispositions qu'elle juge "contraires à l'Etat de droit".
Déjà adopté au Sénat lundi après un accord sur la version finale entre députés et sénateurs, le texte Renaissance devrait passer son dernier obstacle à la chambre basse, à quatre jours des européennes.
La proposition de loi entend renforcer l'arsenal législatif contre les ingérences, en créant notamment un registre national de l'influence, une procédure de gel des avoirs financiers, et en renforçant à titre expérimental cette lutte par une surveillance algorithmique aujourd'hui réservée à l'antiterrorisme.
Le texte avait été initié sur la base de travaux de la délégation parlementaire au renseignement par le président de la commission des Lois Sacha Houlié, avec son homologue de la commission de la Défense Thomas Gassilloud et la députée Constance Le Grip.
Cette dernière défend des propositions "essentielles et nécessaires tant la réalité et la dangerosité des ingérences étrangères dans notre pays sont avérées".
Elle cite les étoiles de David taguées sur des murs d'Ile-de-France, les mains rouges peintes sur le mémorial de la Shoah, et les "faux cercueils" déposés sous la Tour Eiffel. Moscou est soupçonné d'être derrière ces actes de déstabilisation.
"Je crains qu'il y ait encore un peu de naïveté" dans l'opinion publique au sujet des ingérences, poursuit Mme Le Grip, tout en saluant une forme de "prise de conscience", et le travail effectué par les services de renseignement et les ministères régaliens.
La rapporteure au Sénat Agnès Canayer, membre du groupe LR, a salué un texte qui vient combler certaines "lacunes de notre droit".
A l'Assemblée, la droite et le RN devraient à nouveau soutenir la proposition de loi mercredi, même si les députés d'extrême droite vont, sans doute, critiquer, comme en première lecture, un manque d'ambition et remettre en cause les accusations de connivence avec la Russie.
- Registre de l'influence -
La gauche devrait en revanche se diviser. Si les députés socialistes pourraient voter pour, les communistes et insoumis s'apprêtent à voter contre.
"C'est un texte fait à la va-vite, qui ne répond pas aux enjeux et ouvre la voie à des contrôles algorithmiques contraires à l'Etat de droit", critique Bastien Lachaud (LFI).
Dans son viseur : l'élargissement aux cas d'ingérences étrangères d'un dispositif expérimental de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur internet. Il était jusque-là restreint au terrorisme.
"Il est impératif que le Conseil constitutionnel se saisisse de la question", insiste M. Lachaud.
La proposition de loi entend également obliger des représentants d'intérêts étrangers qui font du lobbying en France, notamment auprès d'élus, de s'inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants.
Seront concernées "les personnes physiques ou morales" qui tenteraient d'"influer sur la décision publique" ou les politiques publiques françaises, en entrant par exemple en contact avec des parlementaires, des ministres, certains élus locaux ou encore d'anciens présidents de la République.
Les entités étrangères considérées comme commanditaires potentiels seraient des entreprises contrôlées par des Etat, des partis politiques hors UE ou les puissances étrangères elles-mêmes, toujours extérieures à l'Union européenne.
Géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), ce registre entrerait en vigueur le 1er juillet 2025, le délai devant permettre de doter l'institution des fonds et équipes suffisants.
Le texte prévoit également un gel des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d'ingérence.
Il étend également le pouvoir de contrôle de la HATVP qui pourra se prononcer pendant cinq ans et non plus trois sur le passage dans le privé d'un responsable public, un ancien ministre par exemple, quand ce contrôle est "exercé au regard d'un risque d'influence étrangère".
Son examen, à quelques jours des élections européennes aura forcément une dimension politique. Ce qui se joue" dimanche "c'est notre capacité à nous défendre" face aux "ingérences" étrangères, a encore lancé le Premier ministre Gabriel Attal mardi, lors des Questions au gouvernement.
L.Johnson--TNT