Carburants: un "emballement" à la pompe avant la redoutée baisse des ristournes
De nombreuses stations-service étaient en rupture de carburant lundi, surtout en Auvergne-Rhône-Alpes et en Ile-de-France où les files d'attente de véhicules s'allongeaient, deux jours avant la baisse sur les remises de l'Etat et TotalEnergies, qui devrait calmer la demande à la pompe mais pas la colère des automobilistes.
Boulevard périphérique à Paris, il fallait prendre son mal en patience pour faire le plein, entre les stations désertes barrées de rubalise et celles assaillies par les Franciliens, qui avançaient à vitesse d'escargot jusqu'au précieux carburant.
"Il y en a marre", s'agaçait Zahara Maaloul, sourcils froncés à la fenêtre de sa voiture, à l'arrêt devant l'une des stations-service de TotalEnergies. Mais pour cette assistante de direction, pas le choix : "On vient un peu plus tôt pour éviter la hausse des prix de mercredi".
En France, près de 21% des stations-service étaient à cours d'au moins un carburant sur la journée de lundi, essence ou gazole, parmi les 9.900 stations qui en servaient le 20 septembre dernier avant une longue grève dans les raffineries françaises. Le 26 octobre, alors que cette grève ne touchait plus que deux sites de TotalEnergies, ce chiffre était de 14,5%.
"Cet emballement est uniquement dû à la fin des remises, avec des automobilistes qui se sont pressés à la pompe, mais aussi au week-end de trois jours, avec un jour d'approvisionnement en moins la semaine dernière", explique à l'AFP Francis Pousse, président des stations-service et énergies nouvelles de Mobilians, syndicat professionnel qui représente 5.800 stations traditionnelles (hors grande distribution).
Mercredi, la remise de 30 centimes d'euro par litre de carburant financée par l'Etat depuis le 1er septembre baissera à 10 centimes, et celle de TotalEnergies passera de 20 à 10 centimes. Les deux remises de 10 centimes dureront jusqu'au 31 décembre.
"On aimerait bien que ce soit reconduit, c'est dans l'intérêt de tout le monde puisque si ça continue comme ça, ça va générer des tensions. J'espère que les gilets jaunes ne vont pas revenir", s'inquiétait Gaétan Jeune au volant de son taxi.
"Moi je mets par exemple 14 litres, fois 30 centimes, ça fait tout de suite quelques euros en plus, et c'est du pouvoir d'achat en moins", renchérissait Adrien François, employé dans la restauration, qui patientait sur sa moto dans le brouhaha de la circulation.
En 2023, le gouvernement prévoit plutôt une aide ciblée sur les automobilistes "qui ont du mal à joindre les deux bouts", comme l'a affirmé le ministre des Comptes publics Gabriel Attal.
- Pas de pénurie -
En baisse continue depuis la mi-octobre, le gazole s'affichait la semaine dernière à la pompe à un prix moyen national de 1,8319 euro le litre, soit 3,59 centimes de moins que la précédente, selon des chiffres du ministère de la Transition écologique arrêtés vendredi et publiés lundi. L'essence sans plomb 95, stable, coûtait en moyenne 1,6797 euro le litre, et le sans plomb 95-E10 à 1,6222 euro était en légère hausse à 1,74 centime.
Lundi, près de 13% des stations-service françaises étaient même totalement à sec, selon des données transmises par les stations sur le site prix-carburants.gouv.fr.
Dans 17 départements, plus de 40% des stations manquaient soit d'essence, soit de gazole, avec de fortes disparités régionales.
La plupart des départements de région parisienne faisaient état de carences: la Seine-Saint-Denis (49,5% de stations affectées), le Val d'Oise (46%), les Yvelines (45%) ou encore Paris (43,6%).
Et en Auvergne-Rhône-Alpes, 58% des stations du Puy-de-Dôme manquaient d'au moins un type de carburant, et 46% dans le Rhône où la raffinerie de Feyzin (TotalEnergies), dernière en grève, a suspendu le mouvement le 8 novembre.
"Vous ne réapprovisionnez pas instantanément un ensemble de stations-service", souligne Francis Pousse, qui se refuse à parler de pénurie en France.
"Les camions recommencent à rouler depuis ce matin pour réapprovisionner les stations-service", précise-t-il, et par ailleurs, "la consommation de carburant devrait largement ralentir à partir de mercredi" avec la baisse des remises à la pompe.
De son côté, le gouvernement n'a plus communiqué de chiffres sur les ruptures de carburants depuis le 21 octobre, après que des analyses de médias ont montré une sous-estimation de la pénurie.
S.Mitchell--TNT