Sam Bankman-Fried, roi des cryptomonnaies devenu proie de Binance
Sam Bankman-Fried, à la tête de la plateforme d'échanges de cryptomonnaies FTX, est passé en quelques heures de figure de proue du monde des devises numériques à celui de dirigeant acculé, contraint de capituler face aux appétits voraces de son concurrent Binance.
Le retournement de situation a de quoi surprendre. Alors que M. Bankman-Fried clamait haut et fort lundi que sa société se portait bien, le patron de Binance, Changpeng Zhao, a révélé mardi son intention d'acquérir dans son entièreté FTX.com, la branche de FTX dédiée aux échanges hors Etats-Unis.
Une volte-face qui s'apparente à un camouflet pour le jeune trentenaire jusqu'alors encensé par les spécialistes du secteur et de nombreux médias, le magazine Fortune allant jusqu'à se demander en août s'il était le nouveau Warren Buffett.
- Ascension fulgurante -
Celui qui utilise le pseudonyme SBF sur les réseaux sociaux a connu une ascension fulgurante. Après avoir créé le fonds d'investissement en cryptomonnaies Alameda Research en 2017, il s'est installé à Hong Kong et y a cofondé FTX.
La plateforme s'est développée à grands pas pour atteindre en début d'année une capitalisation de 32 milliards de dollars. La fortune personnelle de M. Bankman-Fried était alors estimée à 25 milliards de dollars par le magazine Forbes (elle est actuellement évaluée à 16,6 milliards).
SBF a déplacé le siège de l'entreprise aux Bahamas, où les impôts sont presque inexistants, en justifiant son choix par le fait qu'il s'agit de "l'un des rares pays à disposer d’un régime complet sur l'octroi de licences pour les cryptomonnaies".
Le succès de FTX a permis à la plateforme de nouer de prestigieux partenariats, notamment avec la légende du football américain Tom Brady et la top modèle brésilienne Gisele Bündchen. Le groupe a aussi fait figurer le comédien Larry David dans un encart publicitaire diffusé lors du Super Bowl.
A l'aise face aux journalistes comme aux hommes politiques, M. Bankman-Fried a été auditionné à plusieurs reprises par des parlementaires américains, notamment au sujet de la régulation des actifs numériques.
Apparaissant presque toujours avec un sweat à capuche et un T-shirt foncé, il s'est également engagé à reverser la quasi-totalité de sa fortune à des causes qui lui sont chères (bien-être animal, lutte contre le réchauffement climatique).
- Incrédulité -
Ce fils d’universitaires, diplômé en sciences physiques du prestigieux Massachussetts Institute of Technology (MIT) s'est fait le chantre d'un cadre légal plus clair pour les cryptomonnaies.
"Ce serait sain pour tous les acteurs s’il existait un dispositif réglementaire permettant d’obtenir des permis" d'exercer, a-t-il défendu en février dans une interview accordée à l'AFP, disant alors souhaiter que l'agence américaine en charge des produits dérivés (CFTC) joue un rôle plus actif.
Début juillet, alors que le marché des devises virtuelles piquait du nez, FTX est venu à la rescousse de la société de prêts en cryptomonnaies BlockFi, en pleine crise de liquidités, posant une option pour la racheter pour 240 millions de dollars.
Quelques jours plus tard, Voyager Digital, un autre spécialiste des prêts en cryptomonnaies a dévoilé, après s'être placé sous le régime américain des faillites, une dette de 75 millions de dollars auprès du fonds d'investissement de M. Bankman-Fried.
Décrit par ses admirateurs comme le chevalier blanc d'un secteur plongé dans la tourmente, SBF a brusquement vu son étoile pâlir quand Changpeng Zhao a émis des doutes sur la solvabilité d'Alamada Research et décidé de sortir de son capital.
A peine plus de 24 heures après avoir nié de "fausses rumeurs" diffusées par son rival, M. Bankman-Fried annonçait sur Twitter être parvenu à une "transaction stratégique" avec Binance.
Une décision inattendue qui laissait nombre de ses abonnés incrédules.
"Quelqu'un peut-il m'expliquer ce que cela signifie comme si j'étais un enfant de cinq ans?", s'interrogeait Sahil Bloom du fonds d'investissement SRB.
B.Scott--TNT