L'Allemagne suspendue à un vote explosif sur l'immigration au Parlement
L'Allemagne est suspendue vendredi à une décision du parti conservateur, favori des élections législatives à venir, de sceller ou non un nouvelle alliance avec l'extrême droite au Parlement autour de l'immigration, après un premier tollé sur cette question cette semaine.
La question du rapprochement entre les démocrates-chrétiens (CDU/CSU) de Friedrich Merz et l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), crée un séisme dans le pays depuis plusieurs jours, car elle brise un tabou dans l'histoire politique d'après-guerre du pays.
Jusqu'ici, les partis traditionnels excluaient toute coopération avec la droite radicale, en vertu de ce qu'ils qualifient de "cordon sanitaire".
Les conservateurs ont dit vouloir vendredi soumettre au vote de la chambre des députés une proposition de loi pour limiter l'immigration, en restreignant le rapprochement familial et en facilitant les placements en rétention des étrangers sans papiers à la frontière.
- Suspension de séance -
Ils se sont dits prêts à adopter le texte même grâce aux voix de l'AfD, deux jours après une alliance inédite depuis 1945 au niveau national entre ces deux formations au Parlement pour approuver une motion sur l'immigration.
Mais le parti CDU et son allié bavarois CSU ont demandé en fin de matinée une suspension de séance. Les débats n'avaient toujours pas repris en milieu de journée à la chambre des députés.
En cause: le parti libéral FDP (centre-droit) hésite à s'associer au vote si la proposition doit être adoptée grâce à soutien de l'extrême droite. Or, sans les élus du FDP, le texte n'a plus aucune chance de passer.
"Nous voulons une solution qui puisse être trouvée avec les partis modérés, sans l'AfD", a dit le dirigeant libéral Christian Lindner. Une dizaine de députés conservateurs ont aussi signifié leur refus de voter le texte avec l'AfD, selon plusieurs médias allemands.
Friedrich Merz a entamé des négociations en coulisses pour tenter d'arracher un accord aux sociaux-démocrates et écologistes du gouvernement du chancelier Olaf Scholz sur la proposition de loi.
D'autres élus préfèreraient un report pur et simple, en renvoyant le texte en commission parlementaire, en vue d'un vote lors de la prochaine session plénière du Bundestag le 11 février.
La droite démocrate-chrétienne est sous pression car son alliance de mercredi avec l'AfD a créé un séisme dans le pays, où la gauche estime que la porte est désormais ouverte pour que l'extrême droite accède au gouvernement, comme dans d'autres pays voisins.
Friedrich Merz réfute toute idée de coalition au plan national avec l'AfD, mais désormais "on ne peut pas lui faire confiance", a jugé vendredi Olaf Scholz dans un podcast du magazine Die Zeit.
- Scénario autrichien ? -
Les conservateurs autrichiens du parti ÖVP "ont tous dit qu'ils ne formeraient pas de coalition avec le (parti d'extrême droite) FPÖ. Et maintenant, il pourrait y avoir une coalition avec eux, et même un chancelier du FPÖ", a dit l'actuel chef de gouvernement.
Si la motion adoptée mercredi, bien que hautement symbolique, était non contraignante, cette fois c'est d'une proposition de loi qu'il s'agit.
Ses chances d'entrer en vigueur d'ici les élections restent toutefois faibles, car le texte devrait aussi être approuvé d'ici là par la chambre haute du parlement, le Bundesrat. Et aucune majorité en sa faveur ne s'y dessine.
Cette proposition de loi est "contraire au droit européen et international" et viole "les droits de l'homme", estime Amnesty International.
L'offensive des conservateurs sur l'immigration fait suite à une récente agression au couteau meurtrière à Aschaffenbourg, dans l'ouest du pays, par un Afghan, dernier épisode d'actes de violences impliquant des étrangers. Elle exacerbe le climat politique.
Même l'ex-chancelière Angela Merkel, qui fait pourtant partie de la même formation que Friedrich Merz, a critiqué son attitude "erronée" ayant abouti à façonner "une majorité avec les voix de l'AfD pour la première fois lors d'un vote au Bundestag".
L'AfD, parti anti-migrants et nationaliste, est créditée de plus de 20% des intentions de vote - deux fois plus que lors du précédent scrutin en 2021 - dans les sondages en vue des législatives. Elle est devancée par les conservateurs, crédités d'environ 30%.
N.Johns--TNT