Affaire UBS: la filiale française jugée pour harcèlement sur deux lanceurs d'alerte
La filiale française de la banque suisse UBS est jugée à Paris depuis mardi pour harcèlement entre 2008 et 2010 envers deux ex-salariés qui avaient alerté sur les pratiques illégales de la banque, reconnue depuis définitivement coupable dans une affaire d'évasion fiscale massive.
A l'issue d'une tortueuse procédure, l'entreprise a été renvoyée pour harcèlement moral envers l'ancienne responsable marketing, Stéphanie Gibaud, et l'ex-chef de l'audit interne, Nicolas Forissier, mais aussi pour subornation de témoin et entrave au fonctionnement du CHSCT.
Les deux salariés, ensuite licenciés, ont contribué à dénoncer les pratiques du groupe suisse et au déclenchement d'une enquête en France.
UBS France est soupçonnée d'avoir exercé des pressions sur le CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et d'avoir menacé sa secrétaire Stéphanie Gibaud, pour contrôler et censurer des procès-verbaux de séance, ainsi que d'avoir réduit ses missions à des tâches subalternes, en rétorsion à son refus de détruire certains documents compromettants.
La banque est aussi suspectée d'avoir refusé une promotion et diminué le bonus de M. Forissier, puis de l'avoir exclu d'un plan de sauvegarde de l'emploi et d'avoir voulu lui imposer une clause de confidentialité renforcée, afin de l'empêcher de témoigner dans une autre procédure et de ne pas évoquer une comptabilité parallèle qu'il avait découverte.
Le positionnement d'UBS "n'a pas changé" depuis l'instruction, à savoir qu'elle conteste toute infraction, a déclaré à la barre Régis Turrini, le représentant légal de l'entreprise qui n'a plus de personnalité juridique autonome.
Cette affaire est "très différente" de l'affaire principale, "définitivement close" pour UBS France et ces faits qui datent de "15, 16 ans" sont "très anciens", a-t-il notamment souligné dans une déclaration liminaire.
Le procès doit durer jusqu'au 12 décembre.
Dans l'affaire principale, UBS France a été relaxée en 2021 pour complicité de blanchiment de fraude fiscale mais condamnée à une amende de 1,875 million d'euros pour complicité de démarchage bancaire illégal. Elle n'a pas formé de pourvoi en cassation, ce qui rend cette décision définitive.
Mais pour la maison-mère, UBS AG, l'affaire se poursuit.
En 2019, elle a été condamnée à une amende record de 3,7 milliards d'euros, plus 800 millions de dommages et intérêts, pour avoir mis en place un "système" visant à "faciliter" la fraude fiscale de riches contribuables français entre 2004 et 2012.
En appel en 2021, après une évolution de jurisprudence, la sanction a été réduite à un total d'1,8 milliard d'euros.
Et en 2023, la Cour de cassation a définitivement confirmé la culpabilité de la banque, mais elle a annulé les peines et les dommages et intérêts, ordonnant un nouveau procès pour les réexaminer.
F.Morgan--TNT