Un budget 2024 confronté aux "défis" des économies, de l'inflation et du verdissement
Désendetter la France tout en luttant contre l'inflation et en verdissant l'économie: le gouvernement veut répondre à ces "trois défis" dans son projet de budget 2024 présenté mercredi avant des débats parlementaires s'annonçant mouvementés.
La voie est étroite pour l'exécutif dont la volonté de tourner la page des crises sanitaire et énergétique se heurte à un environnement économique difficile.
"Nous devons (...) piloter nos finances publiques en relevant ces trois défis", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire.
Quelque 16 milliards d'économies sont prévues l'an prochain ainsi qu'une nouvelle taxe sur les autoroutes, mais dans un contexte d'inflation et de relèvement drastique des taux d'intérêt, "si (...) nous appuyons sur l'accélérateur budgétaire, nous irons dans le décor", a-t-il prévenu.
Le gouvernement veut donner des gages de sérieux budgétaire, confronté à une dette qui a dépassé les 3.000 milliards d'euros et à un déficit largement hors des clous européens qui range la France parmi les mauvais élèves de la zone euro.
C'est pour lui une question de "crédibilité" avant le verdict ces prochaines semaines d'agences de notation sur la santé financière de la France, et alors que le pays prévoit d'emprunter un montant record de 285 milliards d'euros sur les marchés.
Les débats s'annoncent électriques au Parlement dès octobre. Privé de majorité absolue à l'Assemblée et probablement de soutiens dans l'opposition, le gouvernement pourrait se résoudre à une adoption sans vote en recourant, comme l'an dernier, à l'article 49-3 de la Constitution.
De quoi pousser Bruno Le Maire à appeler les différentes composantes de la majorité à parler d'une même voix, un an après les échanges enflammés provoqués par un amendement du MoDem sur la taxation des "superdividendes".
- "Un peu optimiste" -
Pour redresser les comptes publics dès 2024, pas question d'augmenter les impôts, une ligne rouge.
Le gouvernement mise plutôt sur la croissance, avec une prévision de 1,4% toutefois jugée "élevée" par le Haut conseil des finances publiques ainsi que l'extinction progressive des mesures exceptionnelles de soutien aux ménages et entreprises face à l'envolée de l'électricité (environ 14,5 milliards d'euros).
S'y ajouteront les réductions des aides à la politique de l'emploi (1 milliard), 700 millions issus de la réforme de l'assurance-chômage, le report d'une partie de la baisse d'impôts de production (CVAE) pour les entreprises, la suppression de l'avantage fiscal pour le gazole non routier ou l'augmentation du malus sur les véhicules polluants.
Au total, les dépenses de l'Etat passeront de 496 à 491 milliards d'euros, hors charge de la dette.
L'objectif est de ramener le déficit de 4,9% du PIB cette année à 4,4% en 2024 - un chiffre taclé comme "un peu optimiste" par le HCFP - puis à 2,7% en 2027, sous la limite européenne de 3%.
L'endettement reculerait moins résolument, stable à 109,7% du PIB en 2024 pour atteindre 108,1% en fin de quinquennat, loin au-dessus du maximum européen (60%).
Mais s'il souhaite resserrer un peu les cordons de la bourse, l'exécutif entend continuer à s'ériger en défenseur du pouvoir d'achat face à une inflation qui commence à refluer mais qui reste un sujet politiquement sensible.
- Il faut "beaucoup plus" -
Confronté à une nouvelle envolée des prix à la pompe, il offrira une indemnité de 100 euros aux ménages les plus modestes allant travailler en voiture, pour un coût de 430 millions d'euros.
L'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu (4,8%), des retraites (revalorisées de 5,2% au 1er janvier) et des prestations sociales (4,6% au 1er avril) pèsera 25 milliards d'euros.
Dans un projet de loi également présenté mercredi, le calendrier de négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs est avancé avec l'espoir d'accélérer la baisse des prix dans les supermarchés.
S'ajoutent d'autres contraintes freinant la baisse des dépenses, au premier rang desquelles une charge de la dette qui augmentera à plus de 52 milliards d'euros l'an prochain et risque de devenir à l'avenir le premier poste budgétaire devant l'Education nationale.
La stratégie de "réarmement des services publics" limite également les marges de manoeuvre, avec presque 5 milliards de crédits supplémentaires pour l'armée, la police et la justice, et 3,9 milliards pour l'Enseignement scolaire.
La transition écologique gagnera 7 milliards d'euros supplémentaires en 2024.
Du côté des recettes, une taxe sur les autoroutes et les aéroports rapportera 600 millions annuels, sans répercussion sur les tarifs des péages selon Bruno Le Maire, une affirmation contestée par Vinci Autoroutes.
Pour Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances de l'Assemblée, "il faudrait beaucoup plus" sur la transition écologique et le logement, ce qui nécessiterait "le courage d'aller toucher aux recettes, et à ceux qui ont eu des cadeaux fiscaux depuis cinq ans".
S.Cooper--TNT