The National Times - Au Royaume-Uni, des "scientifiques citoyens" se battent pour sauver leur rivière

Au Royaume-Uni, des "scientifiques citoyens" se battent pour sauver leur rivière


Au Royaume-Uni, des "scientifiques citoyens" se battent pour sauver leur rivière
Au Royaume-Uni, des "scientifiques citoyens" se battent pour sauver leur rivière / Photo: © AFP

Sur les rives de la rivière Wye, à la frontière entre l'Angleterre et le Pays de Galles, Pat Stirling jette une bouteille en plastique attachée à une corde pour prélever des échantillons d'eau. Objectif: sauver le cours d'eau d'un désastre écologique.

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"La rivière se dégrade. La prochaine étape, c'est sa mort partielle puis elle finira complètement morte", résume M. Stirling, interrogé par l'AFP.

En amont et en aval, 250 autres personnes font de même pour tester la qualité de l'eau.

Ces bénévoles estiment qu'après avoir été ignorées pendant des années, leurs données ont enfin permis d'admettre l'existence d'un problème de pollution dans la rivière, causé principalement par le fumier des élevages de volailles du coin.

S'étendant sur 250 kilomètres depuis sa source au centre du pays de Galles jusqu'à l'estuaire de la Severn, la rivière Wye traverse une campagne offrant des paysages bucoliques.

En 2020, plusieurs personnes ont commencé à remarquer que les pierres habituellement lisses du fond de la rivière étaient devenues "gluantes", explique M. Stirling, un consultant en bilan carbone de 43 ans.

- "Odeur horrible" -

La nombre d'oiseaux et d'insectes a diminué et les pêcheurs ont noté que les poissons étaient moins gros.

Le plus marquant : la disparition de la renoncule aquatique, une plante à fleurs dont la rivière était jadis truffée.

Les habitants ont d'abord pensé que la station d'épuration voisine était responsable, mais rien n'avait changé dans son fonctionnement et ils ont donc finalement conclu que le problème était ailleurs.

Ils s'appuient désormais sur une étude qui a mis en évidence le grand nombre d'exploitations de volailles ayant vu le jour le long de la rivière ces dernières années.

Selon Pat Stirling et les autres militants, il y a maintenant 20 millions d'oiseaux d'élevage dans la région, répartis dans plus de 760 exploitations.

Les poulets sont ensuite envoyés dans l'usine agroalimentaire du coin, gérée par Avara Foods, une entreprise qui approvisionne notamment les supermarchés Tesco au Royaume-Uni.

M. Stirling s'est penché sur le sujet après un incident de pollution signalé dans la rivière.

Il a découvert une "odeur horrible" et une "substance vraiment dégoûtante" dans l'eau. Des échantillons ont permis d'identifier des substances venant d'une exploitation agricole voisine.

- Fumier -

Le fumier produit par les poulaillers contient des niveaux élevés de phosphore, qui en quantité excessive nuit à la qualité de l'eau. Or le fumier, épandu sur les terres agricoles, finit en partie dans la rivière.

L'année dernière, Paul Wither, scientifique de l'université de Lancaster, a indiqué aux députés que les niveaux de phosphore de la rivière Wye étaient "près de 60% supérieurs à la moyenne nationale".

En mai, l'organisme Natural England, qui conseille le gouvernement, a décidé de classer le cours d'eau parmi les rivières en état de "dégradation".

Mais pour M. Stirling, Natural England n'a agi qu'en raison de la pression des militants et des "scientifiques citoyens" comme lui. "Ils n'auraient jamais rien fait si nous n'avions pas participé aux tests".

- Signes positifs -

Les autorités doivent désormais agir d'urgence et actionner les bons "leviers", selon lui.

Certains signes vont quand même dans le bon sens. Dans une lettre adressée aux agriculteurs ce mois-ci, Avara Foods a expliqué que les contrats seraient modifiés pour que le fumier ne puisse plus être vendu dans la zone de captage d'où provient l'eau de la rivière.

L'objectif est de s'assurer que "notre chaîne d'approvisionnement ne soit plus problématique d'ici 2025".

Avara Foods a indiqué à l'AFP que même si elle n'est pas un "pollueur direct", l'entreprise "reconnaît l'effet potentiel" de ses activités et affirme jouer son rôle pour "atténuer l'impact de sa chaîne d'approvisionnement".

Pour M. Stirling, la réponse d'Avara est liée à un procès aux Etats-Unis impliquant le géant de l'agroalimentaire Cargill et d'autres producteurs de volailles, lors duquel les entreprises avaient été jugées responsables de la dégradation de la rivière Illinois.

Pour l'instant, M. Stirling et son équipe de bénévoles vont poursuivre leurs tests avec l'espoir de faire bouger les choses: "Nous obtenons des résultats grâce au bruit provoqué par ces données publiques."

L.Johnson--TNT