A Bruxelles, les 27 explorent des pistes de rapprochement avec la Turquie
Les chefs de la diplomatie des Vingt-Sept se retrouvent jeudi à Bruxelles pour discuter d'un possible renforcement de leurs relations avec la Turquie, à défaut de pouvoir lui offrir une perspective crédible d'adhésion à l'UE.
Ankara veut "relancer les négociations pour l'adhésion et placer la question en haut de leur approche politique avec nous, c'est une bonne nouvelle", a souligné le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borell avant le début des discussions.
Prévu de longue date, ce débat concernant un voisin incontournable se voit conférer une actualité plus aiguë après le sommet de l'Otan la semaine dernière à Vilnius, où le président turc Recep Tayyip Erdogan a joué les trouble-fête.
Il a créé la surprise en conditionnant son feu vert à l'intégration de la Suède dans l'Otan à la relance des pourparlers d'adhésion de la Turquie à l'UE, au point mort depuis plusieurs années.
A l'issue d'une intense activité diplomatique, il a finalement levé son veto à l'adhésion de Stockholm à l'Alliance, tout en prévenant qu'il n'y aurait pas de ratification avant octobre au plus tôt.
En contrepartie, les Européens ont ouvert la voie à un réchauffement des liens avec Ankara: après sa rencontre avec le dirigeant turc, le président du Conseil européen Charles Michel avait évoqué dans un tweet leur volonté commune de "redynamiser" les relations Turquie-UE.
Et la Suède a accepté de "soutenir activement" les efforts visant à redynamiser le processus d'adhésion de la Turquie, tout en contribuant à la modernisation de l'union douanière et à la libéralisation des visas, selon le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg.
Deux dossiers cruciaux aux yeux d'Ankara: mis en oeuvre depuis 1995, l'accord d'union douanière Turquie-UE pourrait être adapté pour favoriser davantage d'échanges commerciaux, tandis qu'une éventuelle libéralisation des visas assouplirait les conditions d'entrée des ressortissants turcs dans l'UE.
- Différend sur Chypre -
A l'heure où Bruxelles réévalue sa relation avec Ankara, à la suite de la réélection fin mai du président Erdogan pour un troisième mandat, difficile en revanche d'envisager des progrès à court terme dans le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE.
Cela reste néanmoins la priorité d'Ankara, comme l'a rappelé la semaine dernière le nouveau ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan à Josep Borell, en marge d'un sommet de l'Asean à Jakarta.
Selon M. Borrell, le fait que l'Ukraine se voit accorder l'an dernier le statut de candidat à l'adhésion "a créé une nouvelle dynamique dans le voisinage de l'UE, accélérant le processus dans tous les Balkans", où plusieurs pays sont également candidats, "et tôt ou tard la Turquie entrera dans le jeu".
Les négociations pour l'adhésion de la Turquie, démarrées en 2005, se sont enlisées au fil des ans. Jusqu'à ce que l'UE les jugent, en 2018, "au point mort" en raison de décisions d'Ankara contraires aux intérêts de l'UE et d'"un recul continu et préoccupant de l'état de droit et des droits fondamentaux".
Les relations s'étaient très fortement tendues après la tentative manquée de putsch de juillet 2016 et la répression touchant opposants et journalistes qui a suivi.
Dans l'immédiat, des coopérations accrues, notamment la libéralisation des visas réclamée par la Turquie, pourraient être compliquées par le différend persistant autour de Chypre.
Depuis l'invasion de son tiers nord par la Turquie en 1974, l'île est divisée entre la République de Chypre --membre de l'UE-- qui exerce son autorité au sud, et la République turque de Chypre-Nord (RTCN) autoproclamée en 1983 et uniquement reconnue par Ankara.
"C'est de toute évidence l'un des principaux points de désaccord (...) ce sera un des sujets de discussions" jeudi, a confirmé un responsable européen.
Reste que les crises géopolitiques font de la Turquie un partenaire toujours incontournable pour l'UE.
Après la crise migratoire de 2015, les pays de l'UE avaient conclu avec Ankara un accord visant à juguler les arrivées de migrants vers l'Europe, moyennant une lourde contrepartie financière --une partie des 6 milliards d'euros alors promis doit encore être fournie.
Par ailleurs, la Turquie est accusée de contourner les sanctions occidentales contre Moscou suite à l'invasion de l'Ukraine, mais avait joué l'an dernier les médiateurs pour débloquer les exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire.
G.Morris--TNT