Uber Files: la commission d'enquête relève des liens étroits entre Emmanuel Macron et la plateforme
La publication du rapport sur les Uber Files, coordonné par LFI et visant en particulier Emmanuel Macron, a donné lieu à une passe d'armes avec la majorité, qui taxe le rapport de "complotiste".
Le rapport de 600 pages publié mardi pointe du doigt une relation "opaque" nouée par Emmanuel Macron avec la plateforme américaine à son arrivée en France.
"La confidentialité et l’intensité des contacts entre Uber, M. Emmanuel Macron et son cabinet témoignent d’une relation opaque mais privilégiée", y compris depuis son accession à la présidence de la République en 2017, selon le rapport.
Le président, ministre de l'Economie à l'époque des faits, poursuit-il, avait passé un "deal secret" avec la société américaine: qu'elle renonce à son application controversée Uber Pop (où des particuliers conduisent les clients dans leur voiture), et l'Etat simplifiera largement l'obtention d'une licence de Voiture de transport avec chauffeur (VTC).
La députée LFI Danielle Simonnet, rapporteuse de la commission d'enquête, décrit comment Uber a "exploité toutes les failles et mis en place un lobbying agressif", et accusé l'Etat d'avoir "échoué à faire respecter la loi".
Parmi les membres de la commission d'enquête, douze députés ont validé le rapport final - tous ceux issus de la Nupes, du groupe Liot ou du RN. Mais les dix députés Renaissance et leurs alliés, ainsi que l'unique élu LR, se sont abstenus.
-"Complotiste"-
La majorité n'a pas mâché ses mots mardi pour disqualifier le rapport.
Le président de la commission d'enquête, le député Renaissance Benjamin Haddad, a dénoncé une "couverture partisane et complotiste". "L’Etat n’a pas failli à sa tâche, il a répondu à une tâche complexe (l'arrivée des plateformes) en adaptant la réglementation", selon le député Renaissance.
"Votre rapport est creux", a ensuite lancé à Mme Simonnet le ministre du Travail Olivier Dussopt, lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. "Vous pensiez trouver un complot, vous n’avez trouvé que le droit et la loi".
"Il n’y a eu aucune forme d’opacité, de contrepartie, de connivence entre les acteurs publics et Uber au moment de son arrivée en France", a martelé M. Haddad. Et "il n’y a aucun nouveau fait qui viendrait étayer que ces acteurs (interrogés par la commission) ont menti".
"Qu’elle aille au bout, qu’elle fasse un signalement au procureur de la République", a lancé Aurore Bergé, la patronne des députés Renaissance.
"Les Uber Files sont révélatrices d’un sentiment d’impunité de l'exécutif. Or il a des comptes à rendre", a répondu Danielle Simonnet.
La députée a fait un signalement au procureur, mais seulement concernant la plateforme Getir, qu'elle accuse d'avoir fraudé le droit social en licenciant 800 salariés sans plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
La commission, lancée il y a six mois, a auditionné 120 personnes dont deux anciens Premiers ministres ainsi que d'anciens dirigeants d'Uber pour tenter de cerner les agissement d'Uber en France entre 2014 et 2017.
Seuls les anciens membres du cabinet d’Emmanuel Macron n'ont pas été convoqués.
L'affaire avait été déclenchée par la fuite de 124.000 documents internes recueillis par Mark McGann, ancien lobbyiste pour le compte d'Uber en Europe, et communiqués au journal britannique The Guardian.
- "Conflit d'intérêts" -
Toujours selon le rapport, la création de l'Agence de régulation des plateformes d'emploi (Arpe) en 2021, censée réguler le secteur, ne constitue que "la création d’un soi-disant dialogue social" pour éviter une "requalification en salariat de l'activité des travailleurs".
Le président de l'Arpe, Bruno Mettling, est lui-même mis en cause pour avoir, quelques mois avant sa nomination, travaillé pour Uber via des missions pour un cabinet de conseil.
Plus largement, le rapport déplore l'"uberisation", soit la libéralisation et la précarisation, de nombreuses professions, au-delà des VTC. Et fait 47 propositions pour mieux encadrer les plateformes mais aussi les pratiques de lobbying.
Du côté de la majorité, M. Haddad a souligné que les sanctions contre la fraude pourraient être renforcées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, prévu à la rentrée.
F.Adams--TNT