Elections en Sierra Leone: la police disperse des opposants dans l'attente des résultats
La police sierra-léonaise a annoncé dimanche soir avoir utilisé des bombes lacrymogènes pour disperser des opposants à Freetown, au lendemain de l'élection présidentielle, qui s'est déroulée globalement dans le calme et dont le décompte des voix se poursuit.
Le principal adversaire du président sortant Julius Maada Bio dans cette élection, l'opposant Samura Kamara, a indiqué sur Twitter que des balles ont visé le siège de son parti dans la capitale.
Sidie Yahya Tunis, un porte-parole du Congrès de tout le peuple (APC), le parti de M. Kamara, a affirmé à l'AFP qu'une femme est morte dans cet incident. "Elle était au rez-de-chaussée dans l'unité médicale. Elle est infirmière. Nous avons un petit dispensaire dans notre siège où elle travaillait", a-t-il dit dimanche soir à propos de cette annonce qu'il n'était pas possible de vérifier immédiatement.
La maire de Freetown, Yvonne Aki-Sawyerr, une responsable également de l'APC, a publié sur Twitter des photos de l'intérieur du siège de la formation sur lesquelles on voit des personnes se protéger en s'allongeant au sol. "Nous sommes au siège de l'APC sous le feu", a-t-elle écrit.
La police a indiqué que des membres de l'APC manifestaient à Freetown "en annonçant au public avoir gagné" les élections, dans un communiqué transmis dimanche soir à l'AFP.
Ces manifestants ont attiré en dehors du siège de l'APC "une foule" de soutiens qui "ont commencé à causer des troubles aux passants", a-t-elle expliqué dans ce communiqué.
"Quand la situation est devenue insupportable, la police leur a lancé des bombes lacrymogènes pour disperser la foule qui perturbait les gens sur la voie" publique, a-t-elle ajouté.
- Revanche -
Environ 3,4 millions de personnes étaient appelées à choisir entre 13 candidats, pour la présidentielle, un scrutin aux allures de revanche de 2018 entre M. Bio, ancien militaire à la retraite de 59 ans qui brigue un second mandat, et M. Kamura, technocrate de 72 ans et chef de l'APC.
M. Bio, candidat du Parti du peuple de la Sierra Leone (SLPP), l'avait alors emporté au second tour avec 51,8% des voix.
Selon la commission électorale, le décompte des voix se poursuit.
Les résultats sont attendus dans les 48 heures qui suivent le scrutin. Aucun chiffre pour la participation n'était avancé dimanche après-midi. Lors des dernières élections, elle avait tourné entre 76 et 87%.
M. Kamara, ministre des Finances puis des Affaires étrangères avant l'avènement de M. Bio en 2018, a indiqué à l'AFP vouloir restaurer la confiance dans les institutions économiques nationales et attirer les investisseurs étrangers.
Pour être élu au premier tour, un candidat doit recueillir 55% des votes valables.
En plus de leur président, les Sierra-Léonais ont aussi voté samedi pour élire leur Parlement et les conseils locaux, des scrutins marqués par des retards dans le début du vote.
- "Un des meilleurs jours d'élection" -
Plusieurs bureaux ont également fermé tard samedi, certains à 23H30 (locales et GMT), a dit le président de la commission électorale Mohamed Konneh lors d'une conférence de presse dimanche.
Dimanche soir, la mission d'observation électorale de l'Union européenne a dit être "préoccupée" par le "décompte en cours", appelant à une "transparence complète". Même son de cloche du côté de la fondation Carter, inquiète à propos de "signalements indiquant un manque de transparence" lors du dépouillement.
Pour le chef de la commission électorale, samedi a été "un des meilleurs jours d'élection" dans le passé récent de la Sierra Leone "s'il n'est pas le meilleur".
Le réseau ouest-africain pour la construction de la paix, un autre groupe d'observateurs, a affirmé samedi que le vote a été "relativement pacifique", reprenant un constat similaire de la commission électorale.
La commission a toutefois indiqué samedi que des agents électoraux ont été attaqués par des inconnus dans certaines zones. Le parti de M. Bio a accusé de "hauts responsables" de l'APC d'avoir attaqué ses représentants électoraux.
Des responsables de l'APC ont à leur tour affirmé que des violences ont eu lieu dans plusieurs centres de vote samedi soir à Freetown et ses membres attaqués dans des zones rurales.
Un responsable national de la sécurité, Abdulai Caulker, a affirmé n'être pas au courant de tels incidents.
La cherté de la vie est la préoccupation commune à une très grande majorité de Sierra-Léonais. Les prix de produits de base comme le riz sont montés en flèche. L'inflation était en mars de 41,5% sur un an, dans ce pays ouest-africain de huit millions d'habitants.
La Sierra Leone, l'un des pays les plus pauvres de la planète, a été ces dernières années durement touchée par le Covid-19 puis la guerre en Ukraine.
L'ancienne colonie britannique peinait déjà à se remettre d'une guerre civile sanglante (1991-2002) et de l'épidémie d'Ebola (2014-2016).
L'inflation et l'exaspération à l'encontre du gouvernement ont provoqué en août 2022 des émeutes qui ont causé la mort de 27 civils et six policiers.
A.Davey--TNT