A Étretat, le surtourisme devient un casse-tête pour les habitants
"On aimerait que ça ne soit plus Disneyland": les habitants d'Étretat, ville normande qui voit sa population multipliée par dix l'été, dénoncent les effets d'un surtourisme "soûlant", qui malgré certains retombées économiques dépossède les locaux de leur ville et détériore le patrimoine naturel.
Assis sur son bateau à sec sur la plage, avec une vue imprenable sur la fameuse aiguille qui fait la renommée de sa ville, Quentin Maze estime qu'il y a "un véritable souci avec le tourisme de masse", la situation devenant "de pire en pire". "Les gens arrivent avec leur pique-nique, dégradent le lieux, laissent leurs déchets", raconte le marin de 35 ans, né à Étretat.
"Quand j’étais petit, les galets arrivaient jusqu’en haut, là", explique-t-il en pointant le haut de la plage. Avec leur disparition, "mettre les bateaux à l’eau devient compliqué", d'autant que les touristes ne respectent pas la zone de chenal. Même s'il "fait la guerre individuellement" à ces comportements, ce n'est pas suffisant.
Au-delà de sa situation, le marin explique que le surtourisme "prend énormément de place" et rend "impossible de vivre ici en période estivale". "Cela devient compliqué pour se garer et se loger" avec la prolifération des logements touristiques, explique-t-il avec son accent normand, si bien que les gens partent et "les écoles ferment".
- "Périodes fantômes" -
"En dix ans, on a perdu un tiers de notre population", confirme Shaï Mallet, coprésidente de l'association d'habitants Étretat Demain, une "fuite" engendrée par "des nuisances", "la montée globale des prix", en plus "des difficultés à se loger".
La coprésidente explique que les 1.200 habitants voient débarquer chaque année environ 1,5 million de touristes, avec des pics en été à 10.000 personnes par jour. Avec une nette accélération depuis la pandémie, notamment de la clientèle internationale, même si cette station balnéaire a toujours été touristique.
En cause? Le "gros potentiel instagrammable des falaises", qui engendre un tourisme de quelques heures pour prendre des photos ainsi que le succès planétaire de la série Netflix sortie en 2021, "Lupin", gentleman cambrioleur dont l'histoire est liée à Étretat.
Mais cet afflux n'engendre pas de si bonnes retombées économiques. Car 800.000 touristes "ne viennent qu’à la journée, ils "ne dorment pas sur place", explique Mme Mallet, et ceux qui ne viennent que pour deux heures "mangent une glace et repartent", sans aller forcément au restaurant. Sans compter les "périodes fantômes" en dehors des pics de surfréquentation, pendant lesquelles tous les commerces peinent à se maintenir.
A cela s'ajoutent de graves problèmes environnementaux: "une telle masse touristique entraine un phénomène de piétinement qui crée des érosions précipités des falaises et met le site en danger", se désole Shaï Mallet.
-Quotas de visites ?-
Pour limiter ce phénomène, la mairie a installé depuis janvier un sentier balisé et des barbelés qui délimitent le chemin, un dispositif "bienvenu et très attendu" par les habitants.
"Il faudrait peut-être aussi doser les trains, bus et réservations de parking", estime Yohann Rivas, conducteur dont le car régional vient de déposer une flopée de touristes récupérés à la gare la plus proche, car la ville "devient crade, surtout à côté de la plage et des falaises".
Après des tentatives fructueuses en ce sens dans les calanques de Marseille, l'instauration d'une jauge est aussi plébiscitée par Étretat Demain, notamment pour le stationnement, mais l'association plaide surtout pour un plan global d'information et réflexion sur les flux touristiques.
"1,5 million de touristes c’est formidable, mais on aimerait que la fréquentation soit étalée sur l’année", explique Shaï Mallet, qui "cherche des solutions pour que les gens restent plus longtemps, consomment différemment, peut-être avec un panier moyen plus intéressant".
Dimanche, le gouvernement a dévoilé un grand plan contre le surtourisme, une nouvelle "très positive" selon Mme Mallet. Elle salue "particulièrement" l'instauration d'une plateforme pour récolter les données sur les flux, "priorité" indispensable pour lutter contre le phénomène, et la "campagne de sensibilisation menée par des influenceurs", y voyant "une stratégie de communication adaptée aux enjeux de notre époque".
T.Cunningham--TNT