Audiovisuel public: le Sénat prend la main
Le Sénat examine à partir de lundi une proposition de loi sur l'audiovisuel dont la mesure phare reprend, trois ans après son abandon par l'exécutif, l'idée controversée d'une holding chapeautant France Télévisions et Radio France.
Le texte est porté par le président de la commission de la Culture du Sénat, le centriste Laurent Lafon, et soutenu par la majorité sénatoriale de droite.
Dans un contexte marqué par de profondes mutations, avec le développement des plateformes, des réseaux sociaux, ou encore de la télévision connectée, le sénateur entend avec cette proposition de loi assurer "la souveraineté audiovisuelle" de la France.
"La puissance publique a du mal à réagir face à ces évolutions", estime M. Lafon, rappelant que le cadre général du secteur reste la loi de 1986, certes modifiée depuis, mais qui "impose aux acteurs français des règles qui ne sont pas imposées aux plateformes".
La crise sanitaire du Covid avait conduit en 2020 à l'abandon du projet de loi relatif à l'audiovisuel du ministre de la Culture de l'époque, Franck Riester, engageant le regroupement de l'audiovisuel public.
La proposition de loi, qui ne fait qu'entamer son parcours parlementaire, propose la création d'une holding, nommée France Médias, composée de quatre filiales, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24), ainsi que l'Institut national de l'audiovisuel (Ina), qui passerait du statut d'établissement public à celui de société. Détenue à 100% par l'Etat, cette holding serait mise en place au 1er janvier 2024.
L'idée de la création d'une holding est également ressortie la semaine dernière dans un rapport des députés Jean-Jacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance).
Mais, durant leurs auditions, les patrons de l'audiovisuel public ont affiché leurs réticences.
"Je ne suis pas sûre que ce soit la priorité du moment", a répondu en avril Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions.
"C'est plutôt un facteur de déstabilisation de remettre régulièrement sur la table la question de la gouvernance", a renchéri Sibyle Veil, numéro un de Radio France, tandis que Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde, s'est déclarée "pas favorable à une super structure".
- "Structure légère et stratégique" -
Ces arguments seront développés dans l'hémicycle du Sénat par les opposants à la création d'une holding. Pour les socialistes, elle "accentuera la fragilité du secteur public" et "ne profitera qu'aux opérateurs privés, en renforçant le phénomène de concentration dans les médias".
Selon Julien Bargeton (RDPI à majorité Renaissance), il est impératif de "concentrer les efforts des entreprises audiovisuelles publiques sur l'amélioration de la visibilité, de l'impact et de la qualité de leurs offres au service de tous les Français".
Le rapporteur LR Jean-Raymond Hugonet estime pour sa part que les dispositions de la proposition de loi "permettent de concilier les différentes approches en termes de regroupement puisqu'elles créent la société holding France Médias tout en considérant que cette structure légère et stratégique constituera une étape avant une fusion des différentes entités".
Il y a tout juste un an, Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi (LR) avaient en effet proposé dans un rapport de fusionner France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Ina à partir de 2025 dans une société publique unique.
Concernant le financement de l'audiovisuel public qui, après la suppression de la redevance, doit encore être pérennisé au-delà de 2024, la proposition de loi exclut de fait la piste d'une subvention. Elle fixe le principe d'une ressource publique "de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible" et prenant en compte l'inflation.
Le second volet de la proposition de loi s'attache à lutter contre les "asymétries" de concurrence du secteur et s'attaque en particulier à la délicate question des droits sportifs.
Pour "favoriser l'accès de tous aux événements sportifs", le texte propose notamment d'étendre aux plateformes l'obligation faite aux chaînes payantes de céder certains droits à des services de télévision à accès libre diffusés sur la TNT.
Entre autres mesures, il entend aussi rééquilibrer le partage de la valeur entre diffuseurs et producteurs, pour "inciter les chaînes à investir davantage dans des productions de qualité".
W.Baxter--TNT