Crise de la noix: l'angoisse des producteurs français qui vendent à perte
"On bosse pour des noix, ça suffit!" Les producteurs français de noix, favorisés par une récolte record l'an dernier, font face à la dégringolade des prix et sont désormais contraints de vendre à perte.
A l'appel de la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, des agriculteurs venus du Périgord ou de Corrèze ont installé lundi un stand de vente directe, à prix coûtant, sur le parvis de la gare Saint-Lazare à Paris, pour sensibiliser le public à "la crise" du secteur.
"On ne s'en sort pas. Notre coût de production est d'environ 2 euros le kilo. Alors qu'on vendait nos noix à 3 euros l'an dernier, on nous propose aujourd'hui 50 centimes. C'est scandaleux quand on voit que le kilo de noix se retrouve à 8 ou 10 euros en supermarché", explique Alexandre Clare, 30 ans, producteur en Corrèze.
Sur le stand, les sacs de noix sont empilés à côté de sachets de cerneaux et de bouteilles d'huiles. "On a apporté deux tonnes de noix: si on ne les vend pas, on va tout jeter", affirme Baptiste Poujade, qui produit noix et châtaignes en Lozère.
A l'origine de cette crise, l'exceptionnelle production de 2022: "on a eu de bonnes conditions de culture et pas d'épisode de gel", explique Alexandre Clare. Résultat: une production de 50.000 tonnes de noix, contre 37.700 en 2021, qui a fait gonfler d'un coup les stocks et chuter les prix.
"En France, on consomme 40.000 tonnes de noix par an, ce qui pourrait tout à fait être couvert par la production de l'an dernier. Mais en 2022, on a importé 12.500 tonnes de cerneaux, essentiellement du Chili et un peu de Californie, soit l'équivalent de 30.000 tonnes de noix coque", affirme Alexandre Clare.
"On veut sensibiliser les consommateurs: mangez des noix françaises, qui ont un meilleur bilan carbone, qui sont produites dans de bonnes conditions et qui remplacent très bien les cacahuètes à l'apéro", lance-t-il.
- "La panique" -
Sur le stand, les sachets de cerneaux se vendent vite, plus faciles à transporter que les sacs de 10 kg de noix (vendus 3 euros/kilo).
Certains sont venus spécialement: "Je suis fils d'agriculteur, je sais la difficulté que c'est de produire et vendre. J'ai entendu qu'ils étaient obligés de vendre à 50 centimes le kilo, je trouve ça insupportable", déclare Xavier Buffet-Delmas, 62 ans, reparti avec un sac de noix, des cerneaux et une bouteille d'huile.
En France, premier producteur européen de noix, la production se concentre en Rhône-Alpes, Aquitaine et Midi-Pyrénées. Après une saison 2020-21 où les confinements avaient conduit à une consommation record à domicile, l'année suivante a été plus morose, alors que la production progressait de 30%.
Le pays exporte des noix (21.400 tonnes en 2021) mais importe des cerneaux (12.000 tonnes), selon les données du ministère. La concurrence est rude, essentiellement américaine et chilienne. La Chine, premier producteur mondial, consomme une grande partie de sa production.
"Il me reste 15 tonnes sur les bras. Ca commence à être un peu la panique avec la chaleur qui arrive", explique Baptiste Poujade, qui a installé une chambre froide pour "sauver" une partie de sa production mais ne peut pas tout stocker au frais "vu les prix de l'énergie".
Début mai, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau avait fait le constat d'une "crise de croissance" dans "un contexte de surproduction", affirmant qu'il fallait "faire un travail de communication y compris avec la grande distribution, pour mieux valoriser la noix et déstocker cette année".
Les producteurs voudraient avant tout "une aide d'urgence" ou "une prime à l'arrachage pour favoriser le renouvellement des vergers".
L.Graham--TNT