Les syndicats à Matignon, les retraites dans tous les esprits
Les syndicats reviennent mardi et mercredi à Matignon pour la première fois depuis la promulgation de la très contestée réforme des retraites, alors que le gouvernement cherche en parallèle à torpiller une proposition d'abrogation du texte soutenue par l'opposition.
Après une rencontre avec l'intersyndicale début avril qui avait tourné court, Élisabeth Borne reçoit cette fois chacune des cinq organisations représentatives, sans ordre du jour précis.
Les syndicats seront ensuite reçus en "multilatérale" d'ici la fin du mois, a annoncé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, qui a salué "une nouvelle étape (...) pour faire avancer concrètement les droits des salariés".
La Première ministre, régulièrement chahutée par les casseroles d'opposants au report de l'âge de départ à 64 ans, se dit "à l'écoute des priorités" des organisations syndicales et patronales.
Alors qu'elle souffle mardi sa première bougie à Matignon, ayant reçu lundi un satisfecit d'Emmanuel Macron pour son action teintée de "force, détermination et courage", elle s'entretient en fin d'après-midi avec FO et la CFDT. Puis, mercredi matin, avec la CFE-CGC et la CFTC, avant la CGT l'après-midi.
"On va d'abord lui parler des retraites en lui disant qu'il y a un nouveau rendez-vous à l'Assemblée nationale et qu'il faut laisser faire ce rendez-vous", a déclaré Laurent Berger, numéro un de la CFDT, sur France 2.
Le 8 juin, une proposition du groupe indépendant Liot, visant à annuler le recul de l'âge légal de 62 à 64 ans, doit être examinée par les députés.
"On lui dira aussi qu'il faut réparer" ce qu'elle a "un peu abîmé dans le monde du travail", a relevé Laurent Berger.
- Barrage -
Ces rencontres s'inscrivent sur la feuille de route qu'Emmanuel Macron a confiée à Elisabeth Borne pour relancer l'exécutif après la crise des retraites.
L'intersyndicale a redit lundi dans un communiqué son opposition "déterminée" à la réforme, contre laquelle elle organise une 14e journée de grève et de manifestations le 6 juin, deux jours avant l'examen de la proposition de loi du groupe Liot.
Les syndicats ont lancé à cet égard le site internet jusquauretrait.fr pour "interpeller par mail ou sur Twitter les parlementaires" et les appeler à "voter cette loi", que le gouvernement et la majorité tentent de faire échouer, en empêchant en amont son examen, ou en le bloquant en séance, ou encore en recourant à l'obstruction.
De quoi hérisser les syndicats, déjà très remontés par l'adoption au forceps de la réforme des retraites, qui leur permet de faire monter les enchères sur leurs revendications.
Refusant de rompre l'unité affichée, ils préparent aussi des propositions communes, qui seront présentées le 30 mai, a indiqué la patronne de la CGT Sophie Binet dans Le Parisien.
Ils entendent surtout parler salaires, demandant que les aides publiques aux entreprises soient "conditionnées" à des objectifs sociaux et environnementaux.
La CFDT va plaider pour une suspension des exonérations de cotisations pour les branches qui ont des minima inférieurs aux Smic. La CGT souhaite une indexation des salaires sur la hausse des prix.
Et ils rediront leur opposition à la dégressivité des allocations chômage ou la mise en place d'obligation d'heures de travail contre le versement du RSA (revenu minimum pour les personnes sans ressources, ndlr).
- "Défiance" -
Les organisations patronales, reçues la semaine prochaine, auraient préféré une négociation autonome avec les syndicats avant de voir le gouvernement, qui proposera d'inscrire dans la loi l'accord des partenaires sociaux sur le partage de la valeur.
"L'agenda des discussions, il est très large, et nous proposons aux syndicats de le définir", a affirmé M. Véran.
"Il peut s'agir de dispositions de la loi retraite qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel, comme les dispositions sur les emplois-seniors, il peut s'agir d'améliorer les conditions de travail des salariés, d'améliorer les carrières professionnelles, d'améliorer la formation des salaires", a-t-il énuméré.
La Première ministre entend surtout bâtir avec eux un "agenda social" pour un "nouveau pacte de la vie au travail", qui fera l'objet d'un projet de loi présenté en fin d'année ou début 2024.
Malgré la reprise du dialogue, "la défiance restera extrêmement profonde", a prévenu Sophie Binet. "Il n'y aura pas de retour à la normale si cette réforme (des retraites) n'est pas abandonnée".
"On va continuer à dire que la page n'est pas tournée", mais "on ne peut pas ne pas parler de l'inflation, du pouvoir d'achat", explique à l'AFP le président de la CFTC Cyril Chabanier.
W.Phillips--TNT