Réparateur de vélo, une formation pour se remettre en selle
"Il y a une vraie demande", assure Martial Manier, créateur d'une formation pour réparateurs de vélo lancée entre Rhône et Isère pour les demandeurs d'emploi qui espèrent, par passion ou opportunisme, profiter de l'engouement pour la petite reine.
Plébiscite de la mobilité douce, en particulier dans les grandes villes, hausse générale du nombre de pratiquants portée par l'électrique... l'époque est propice à la bicyclette.
Dans un coin du grand entrepôt de l'entreprise E-Bike à Vienne (Isère), un atelier est réservé à la douzaine d'apprentis réparateurs, pour les formations pratiques.
Mais ce jeudi d'avril, c'est théorie, sur le site des Puces du Canal à Villeurbanne. Même si certains ont des fourmis dans les jambes et font un peu la moue de ne pas avoir les mains dans le cambouis, le groupe apprend à "mieux se connaître et interagir avec les autres", premier pas vers des compétences essentielles aux interactions avec patrons, collègues et clients.
"Se remettre dans un parcours un peu école, c'est pas toujours évident. Rester assis c'est pas ma force", sourit Christophe George, 56 ans.
Arrivé dans la région il y a environ deux ans, cet ancien des travaux publics, devenu technicien de maintenance en CDD, espère ouvrir son propre atelier.
- "Plus de sens" -
Avec trente ans de moins, Jonas Perret veut lui aussi se mettre à son compte. Après un peu plus d'un an en télétravail dans les jeux vidéos, il veut se reconvertir dans un métier passion "avec plus de sens".
Objectif: retourner à Draguignan (Var), sa commune d'origine, où l'offre de magasins de vélo n'est pas encore aussi développée que dans les grandes villes.
"Aujourd'hui en France on manque d'à peu près 5.000 réparateurs de vélo", estime Martial Manier, passionné de deux roues à l'origine des itinéraires cyclotouristes "L'Expérience ViaRhôna".
Selon lui, les formations existantes ne permettent pas de combler les besoins car de nombreux participants "n'irriguent pas le marché du travail" et utilisent les compétences acquises dans un cadre privé.
L'Agence de la transition écologique Ademe souligne ainsi que la création de nouvelles formations diplômantes figure parmi les mesures pour développer la filière, préconisées par le dernier "Rapport sur la filière économique du vélo en France" (janvier 2022) .
A ce stade, seuls deux des inscrits ont trouvé un contrat d'alternance, nécessaire pour valider la formation. Une enquête menée par la FUB (Fédération des usagers de la bicyclette), Rozo (conseil en performance énergétique) et Velogik (professionnels de la maintenance de cycles) à l'été 2020 a fait pourtant ressortir que 60% des vélocistes interrogés voudraient embaucher, de préférence des gens déjà formés, mais rencontrent des problèmes de formation et de recrutement.
"Pôle Emploi a été hyper réactif" à la proposition d'une formation longue de négociateur commercial/réparateur de vélo, sur plus d'un an et en alternance, se félicite Martial Manier. Une douzaine de personnes ont été sélectionnées, sur une cinquantaine de candidatures.
"Ils avaient tous le même profil: en rupture avec leur carrière, des gens qui étaient dans des grosses boîtes, qui étaient des administratifs, qui avaient des cursus incroyables, des ingénieurs, parlant 3-4 langues. Et les mecs disaient +j'en ai marre, je veux m'acheter un camion et faire de la réparation de vélos+", dit-il.
Vincent (il préfère ne pas donner son nom de famille), 56 ans, avoue être là de manière "opportuniste", après "cinq ans de chômage, de galère, de minima sociaux": "là on nous dit que le monde du vélo est en évolution, que des besoins vont se faire sentir".
"On va voir", observe, prudent, l'ingénieur mécanique de profession, passé par Bosch comme par l'humanitaire, et détenteur d'un BTS viticulteur-oenologie.
- "Ambition" -
Pour Marc Chosson, 45 ans, il s'agit de "retrouver quelque chose de technique" après avoir "stagné derrière un écran". Son voisin de table se félicite d'avoir trouvé une formation "locale".
"J'utilise mon vélo pour me déplacer. J'ai réussi à lier mon moyen de locomotion avec mes ambitions professionnelles", confie Mickaël Vanwonterghem, 45 ans également.
Martial Manier reconnaît que le besoin reste difficile à évaluer sur le moyen et long terme. Sa stratégie est de proposer des formations dans les territoires proches des itinéraires de randonnée à vélo, comme la ViaRhôna et des voies vertes en développement en Isère ou en Savoie.
C.Bell--TNT