Le monde de la culture dit "adieu" à Philippe Sollers, mort à 86 ans
"Joyau unique de la littérature", "infatigable animateur de la vie intellectuelle" à la "joie contagieuse", l'écrivain provocateur et médiatique Philippe Sollers est décédé vendredi à l'âge de 86 ans, suscitant une vague de réactions dans le monde de l'édition et au-delà.
"Les Éditions Gallimard ont la grande tristesse de faire part du décès de , né Philippe Joyaux, survenu le 5 mai 2023", a annoncé samedi son éditeur dans un communiqué, confirmant une information du Figaro.
Cet auteur de plus de 80 romans, essais et monographies, directeur de revues et longtemps habitué des plateaux de télévision était un "amoureux des beaux-arts, de la musique et des lettres célébrant le sacré d'ici-bas", écrit Gallimard, saluant un homme "épris de liberté".
"L'infatigable animateur de la vie intellectuelle et littéraire qui créa et anima avec ses amis les revues +Tel quel+ (1960) et +L'infini+ (1983), l'auteur d'une œuvre romanesque novatrice et anticonformiste et d'essais critiques à la sensibilité universelle, l'ami furtif et attentif qui n'a jamais renoncé à dire que +le bonheur est possible+, a rejoint +la vérité du grand merveilleux silence+", poursuit la maison d'édition.
Et d'ajouter : "Je suis venu, j'ai vécu, j'ai rêvé", en référence à l'un des derniers ouvrages du défunt, "Agent Secret" (2021).
La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a également rendu hommage sur Twitter à un "personnage indomptable, inclassable, au regard taquin et à l'esprit vif, qui avait érigé la provocation en art et bousculé notre époque", déplorant la perte d'un "Joyau unique de la littérature".
Relayant sur le même réseau social une de ses interviews pour France inter, le journaliste Augustin Trapenard a dit "Adieu" à celui qui "avait parlé de lambeaux, de style et de scandale, avec cette joie contagieuse qui faisait de chacun de ses entretiens un dialogue délicieux".
- "Vénitien" -
Né le 28 novembre 1936 à Talence (Gironde) dans une famille d'industriels, gaullistes de gauche et catholiques, Philippe Sollers avait vite abandonné ses études pour se consacrer à la littérature.
Troquant son patronyme de Joyaux pour celui de Sollers, du latin "sollus" et "ars" ("tout entier art"), il publie son premier roman, "Une curieuse solitude", à 22 ans.
Lauréat du prix Médicis en 1961 pour "Le Parc", il accède à la notoriété en 1983 avec le roman "Femmes", dont certains critiques dénoncent la "pornographie".
"Il était le plus vénitien des écrivains français, tout en dédales, masques et labyrinthes", a pour sa part réagi Michel Field, le directeur culture et spectacle vivant de France Télévisions, au sujet de l'auteur d'un dictionnaire amoureux de Venise.
"Jamais scolaire, plutôt solaire. Il a marqué de son empreinte et de son ironie plusieurs décennies de vie intellectuelle et littéraire. En plus, il était drôle et amical", a-t-il salué.
"La France perd un écrivain libre, à l'écriture vagabonde et pourtant aiguisée comme une lame", a estimé sur Twitter Bruno Le Maire. "Je perds un ami, intarissable sur notre passion commune : la musique" a ajouté le ministre de l’Économie, également édité chez Gallimard.
Comme lui, l'écrivain Marek Halter a regretté la disparition d'"un ami, un complice, un frère. Il m'a fait aimer la littérature quand j'étais encore peintre. Nous sommes nés la même année, +une bonne année+, disait-il".
Marié depuis 1967 à la psychanalyste Julia Kristeva, avec qui il a eu un fils David, il a vécu une double vie amoureuse, vouant un "amour fou" à l'écrivaine belge Dominique Rolin, de 23 ans son aînée.
S.Arnold--TNT