Renationalisation contestée d'EDF: la cour d'appel s'apprête à trancher
La justice rend mardi sa décision dans la bataille qui oppose depuis des mois de petits actionnaires d'EDF à l'Etat français et à son projet de renationalisation du groupe, en raison notamment du prix de rachat des actions jugé trop bas.
Lors de l'audience devant la cour d'appel de Paris le 23 mars, le parquet général avait requis le rejet du recours formé par les petits actionnaires frondeurs du géant de l'énergie.
Ces derniers contestent la décision de conformité rendue par l'Autorité des marchés financiers (AMF) en novembre, qui avait donné le feu vert à l'Etat pour lancer cette OPA (offre publique d'achat).
Le rachat complet, annoncé en juillet dernier et chiffré à 9,7 milliards d'euros, est stratégique pour l'Etat actionnaire, qui détenait déjà avant l'OPA 84% du fleuron électrique national.
Son but: libérer EDF de la Bourse pour lui permettre de relancer plus vite le nucléaire en finançant le renouvellement d'un parc vieillissant, au moment où le gaz russe fait défaut.
Le gouvernement voulait tout boucler fin 2022. Mais depuis des mois, les petits actionnaires salariés et retraités d'EDF ont multiplié les recours.
Principale pomme de discorde, le prix de 12 euros par action auquel l'Etat a décidé de racheter aux actionnaires les titres qui lui manquent pour contrôler totalement l'électricien.
Un prix jugé trop bas: les plaignants réclament à minima 15 euros. A l'ouverture du capital en 2005, l'action avait été vendue 32 euros, avec une remise de 20% pour les salariés à 25,60 euros.
Ce prix de 12 euros a été validé par le rapport d'un expert indépendant mais les petits actionnaires estiment que l'entreprise est sous-évaluée et qu'elle a été injustement pénalisée dans ses recettes par un mécanisme imposé par l'Etat (Arenh), l'obligeant à vendre son électricité nucléaire à bas prix à des industriels et des fournisseurs alternatifs.
Et EDF a dû jongler avec ses problèmes de corrosion dans les réacteurs qui ont fait chuter sa production en 2022 et creusé ses pertes financières.
- "Un peu d'espoir" -
Avant la décision, qui doit être communiquée directement aux parties, Martine Faure, cheffe de file des actionnaires salariés d'EDF, dit avoir "un peu d'espoir", compte tenu de la date retenue par la justice pour se prononcer, au bout du délai légal.
"La décision de renationalisation a été prise dans la pire année qu'a connu EDF depuis sa création en 1946", avait notamment relevé à l'audience Florent Segalen, l'avocat des actionnaires salariés et retraités d'EDF.
"La décision de l'AMF est parfaitement conforme à la réglementation", avait martelé de son côté le gendarme boursier français représenté par Patricia Choquet, rappelant que le collège de l'AMF s'est réuni "trois fois" pour étayer sa décision.
Au final, un certain nombre d'actionnaires ont accepté le prix proposé par l'Etat, et le 8 février, celui-ci détenait "à la clôture provisoire de l'offre" 95,82% du capital et 96,53% des droits de vote, Bercy saluant un "succès" même s'il s'était engagé à ne pas boucler l'opération avant le fin mot de la justice.
Si l'arrêt qui sera rendu mardi confirme que l'OPA est conforme, l'Etat pourra finir de renationaliser.
Dans le cas contraire, si la décision de conformité rendue en novembre par l'AMF est annulée par les juges, les actionnaires qui ont déjà apporté leurs titres pourront les récupérer. Si l'Etat veut alors revoir son offre à la hausse, il paiera un complément de prix à ceux qui n'ont pas demandé la restitution de leurs actions.
Le seuil de retrait obligatoire qui permet de renationaliser EDF en forçant les 4% d'actionnaires restant à vendre leurs parts a en tout cas été "largement dépassé", témoignant d'une "large approbation" sur le prix, avait observé le parquet général lors de l'audience du 23 mars.
I.Paterson--TNT