Autoroute Toulouse-Castres: des opposants sur des arbres pour arrêter le chantier
Des opposants à l'autoroute Toulouse-Castres campent dans des tentes colorées, en plein champ ou sur de grands platanes, dans l'espoir d'arrêter pacifiquement le chantier, une mobilisation écologiste scrutée par l'Etat, qui redoute l'implantation d'une ZAD.
"Avez-vous l'impression d'être dans une ZAD?", s'amusent plusieurs membres du collectif "La voix est libre". Ils sont une cinquantaine, de tous les âges, à discuter au soleil dans une ambiance bon enfant, au milieu de quelques tentes et de dizaines d'affichettes contre l'autoroute et pour l'aménagement de la nationale existante.
Plus loin, dans un champ, quelque 15 enfants cherchent avec entrain des oeufs de Pâques dans des tranchées à l'entrée du village de Vendine, en Haute-Garonne, à la limite du Tarn, creusées pour les fouilles archéologiques "préventives".
Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), aide quelques novices à grimper jusqu'à l'une des tentes installées sur deux arbres "centenaires" pour éviter leur abattage, alors que cinq autres ont déjà été coupés sur cette route.
"Ici, c'est un lieu de rassemblement. Pas une ZAD. Ce serait impossible à faire sur 53 kilomètres" d'autoroute prévus, assure Thomas Brail, natif du Tarn, qui a accroché à l'un des platanes le texte d'un tweet d'Elisabeth Borne de 2020 saluant son "combat sincère et juste pour la défense des arbres".
Alors qu'adultes et enfants plantent des "variétés locales, comme l'aubépine, pour faire un peu d'ombre, en attendant que les platanes coupés repoussent", Julie Remise se dit "révoltée".
"On a déjà une route. Vu comment tourne le monde, ce n'est pas la peine de bitumer plus", plaide-t-elle, signalant la RN126.
- Un projet "exemplaire" -
Bien au contraire, le concessionnaire privé Atosca qualifie son projet d'"exemplaire" en termes "d'écoute" de la population concernée, de respect de l'environnement ou de création d'emplois.
Concernant la disparition de terres agricoles, "nous avons réduit l'emprise de 380 à 300 hectares", précise son directeur général Martial Gerlinger à l'AFP.
Les principaux élus du Tarn, de tous bords politiques, soutiennent l'autoroute qui pourrait réduire d'une vingtaine de minutes le Castres-Toulouse en 2025, un trajet d'un peu plus d'une heure aujourd'hui.
"La plupart des Tarnais sont heureux de ce projet", vecteur d'emplois, souligne Bernard Carayon, conseiller régional LR d'Occitanie, mobilisé depuis 30 ans pour la construction de cette autoroute. "Castres-Mazamet, ajoute-t-il, c'est le seul bassin économique de plus de 100.000 habitants aujourd'hui privé d'autoroute ou de desserte TGV".
M. Gerlinger rappelle un sondage Odoxa: 75% des personnes concernées par le projet y sont favorables.
Le collectif d'opposants "La voie est libre" conteste cette enquête, l'échantillon n'étant notamment pas selon eux représentatif de l'ensemble des personnes concernées.
Un membre de ce collectif, Thomas Digard préfère souligner les conclusions de la commission d'enquête publique de février dernier, basée sur quelque 3.800 contributions.
- Le 22 avril, mobilisation -
"De nombreuses observations (...) s'opposent au projet d'autoroute et réclament (...) un aménagement de la RN126 et parfois aussi le développement des transports en commun", selon cette commission.
Cet aménagement a d'ailleurs été jugé "plus pertinent" en termes environnementaux par le Conseil national de protection de la nature (CNPN) et l'autorité environnementale, rappelle-t-elle.
"La solution autoroutière (...) n'est retenue et défendue comme l'unique solution essentiellement parce que l'Etat et les collectivités ne veulent pas en supporter le financement", affirme-t-elle encore.
Malgré ces réserves, le projet a obtenu les autorisations nécessaires, et les travaux ont débuté. Puis des opposants ont installé les tentes à Vendine, provoquant l'inquiétude du ministre de l'Intérieur.
Auditionné par des sénateurs le 5 avril dernier, après les affrontements entre gendarmes et manifestants fin mars à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), Gérald Darmanin a classé l'A69 parmi les 42 projets "susceptibles de faire naître des contestations extrêmement violentes", y compris "contre les institutions républicaines".
Alors qu'une manifestation, à laquelle appellent, parmi bien d'autres, des organisateurs de Sainte-Soline, est prévue sur le tracé de l'A69 le 22 avril prochain, le ministre a estimé que "d'énormes difficultés se poseront pour les forces de l'ordre".
Pour Thomas Digard, avec ce type de déclarations, "Darmanin met le feu aux poudres".
P.Barry--TNT