Etats-Unis: le Montana sur le point d'adopter une loi pour interdire TikTok
Le Montana doit approuver vendredi une loi pour interdire TikTok, un texte difficile à appliquer mais qui fait monter la pression déjà forte aux Etats-Unis contre la populaire plateforme du groupe chinois ByteDance.
La chambre basse de cet Etat américain du nord-ouest, majoritairement républicaine, a voté jeudi à 60 voix en faveur 39 voix contre la loi SB419 qui "bannit TikTok dans le Montana".
Le vote final est prévu pour vendredi - le sénat avait déjà approuvé ce texte en mars. Une fois ratifié par le gouverneur, il doit entrer en vigueur au 1er janvier 2024.
"Il est temps de tenir tête aux Chinois et de bannir TikTok", a lancé le représentant Brandon Ler après un réquisitoire contre la Chine qui "veut nos données et notre propriété intellectuelle" et une application dangereuse pour "la santé et la sécurité, surtout des plus jeunes".
Du Montana à la Maison Blanche, de nombreux élus démocrates et républicains accusent l'application de vidéos courtes et divertissantes de servir au gouvernement chinois pour espionner et manipuler les utilisateurs.
Le Congrès américain travaille sur des projets de loi pour la faire bannir dans le pays.
TikTok, qui a toujours nié ces allégations, essaie depuis plusieurs années de rassurer les autorités, en vain.
"Cette loi constitue une violation choquante des droits des habitants du Montana en matière de liberté d'expression" et un "précédent désastreux", avait réagi Vanessa Pappas, la directrice des opérations de TikTok, après le vote du Sénat début mars.
Le texte "va exclure le Montana d'une communauté de 150 millions de personnes aux Etats-Unis", avait-elle insisté.
- La suite devant les tribunaux -
Selon une porte-parole de l'application contactée jeudi, les auteurs de cette loi "ont eux-mêmes admis qu'ils n'avaient pas de plan réaliste pour mettre en pratique cette tentative de censurer les voix américaines".
"La constitutionnalité de ce texte sera décidée dans les tribunaux. Nous allons continuer à nous battre pour les utilisateurs et créateurs de TikTok dans le Montana", a-t-elle ajouté.
La loi interdit aux magasins d'applications, c'est-à-dire essentiellement Google (Android) et Apple (iOS), de distribuer TikTok aux utilisateurs du Montana.
Apple et Google n'ont pas réagi dans l'immédiat à des sollicitations de l'AFP.
Le texte mentionne des amendes pour les sociétés en infraction, mais pas pour les utilisateurs. Il est aussi précisé que la loi serait invalidée si TikTok était racheté par une entreprise d'un pays "non considéré comme un ennemi" des Etats-Unis.
Plusieurs experts indépendants ont noté que la loi serait certainement contestée en justice, et avait peu de chances d'être appliquée.
"Elle soulève de nombreuses questions épineuses, et on ne voit pas comment l'Etat va pouvoir se défendre et gagner", a remarqué Carl Tobias, professeur en droit de l'université de Richmond.
"Les habitants du Montana veulent le moins de régulations possibles", a-t-il souligné. "On ne pourrait certainement pas leur prendre leurs armes à feu."
- "Préjugés anti-chinois"-
"SB419 résume parfaitement l'absurdité et le sectarisme de l'assemblée du Montana", a tweeté mercredi Keegan Medrano, un responsable de la branche locale de la puissante association de défense des droits civiques ACLU.
"L'interdiction de TikTok est inconstitutionnelle en termes de liberté d'expression, impraticable puisqu'elle exempte les fournisseurs d'accès à internet et les VPN (réseaux virtuels privés) et animée par des préjugés anti-chinois".
Fin mars, le patron de l'application, Shou Chew, a fait face aux attaques des élus d'une commission parlementaire américaine pendant une audition de plusieurs heures.
Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison Blanche, avait évoqué dans la foulée des "négociations en cours avec ByteDance" et précisé que le gouvernement "soutenait fortement" le RESTRICT Act, un des projets de loi visant à bannir TikTok.
A moins que ByteDance ne trouve un repreneur américain pour la plateforme dans "trois à six mois", "TikTok sera sans doute bannie d'ici à la fin de l'année", avait alors estimé l'analyste Dan Yves de Webdush Securities.
Le service est déjà interdit sur les smartphones des fonctionnaires et employés de nombreuses organisations, de la Commission européenne aux gouvernements canadien, britannique et américain.
A.M.Murray--TNT