"Bien vieillir": la majorité dégaine ses mesures, les oppositions déçues
Pendant que le conflit des retraites gronde encore, la majorité présidentielle défend mardi devant l'Assemblée nationale sa proposition de loi "pour bâtir la société du bien vieillir", qui laisse sur leur faim les oppositions de droite comme de gauche.
Lutte contre l'isolement des aînés, signalement des cas de maltraitance et encore carte professionnelle pour les aides à domicile seront en discussion à partir de la fin d'après-midi et jusqu'à jeudi, avec plus d'un millier d'amendements au menu.
Le sujet tient à cœur aux députés Renaissance, qui ont travaillé main dans la main avec leurs collègues Horizons et MoDem, et avec le gouvernement. Et ce, sans attendre la loi sur le "grand âge" que le président Macron avait promise dès 2018 mais qui n'est plus d'actualité.
Une vaste réforme de ce secteur exsangue reste attendue, les maisons de retraite comme l'aide à domicile peinant à recruter, alors même que le nombre de plus de 85 ans monte en flèche et atteindra 4,8 millions de personnes en 2050, contre 2 millions aujourd'hui.
Un Conseil national de la Refondation (CNR), auquel 10.000 personnes ont pris part, a planché depuis novembre sur le thème du "Bien vieillir", nourrissant les réflexions du ministre des Solidarités et de l'Autonomie, Jean-Christophe Combe.
- Guichet unique -
Des conclusions du CNR rendues mardi dernier, le ministre a retenu une série de mesures, comme des solutions de répit pour les "aidants". Il déclinera certaines pistes dans des amendements, notamment sur l'ouverture d'un "service public départemental de l'autonomie" pour les personnes âgées, handicapées et les proches aidants, sorte de "guichet unique" souhaité.
Dans ce contexte, la proposition de loi des macronistes apporte sa "pierre à l'édifice", selon sa co-rapporteure Laurence Cristol (Renaissance), médecin coordonnateur en Ehpad dans la vie civile.
Pour lutter contre l'isolement des personnes en situation de vulnérabilité, il est prévu davantage d'échanges d'informations entre les maires et les services sociaux et sanitaires.
L'habitat inclusif, qui associe espaces de vie individuelle et espaces partagés, sera encouragé.
Une instance territoriale "de recueil et de traitement des alertes des maltraitances", à domicile ou en établissement, sera créée pour notamment faire le lien avec l'autorité judiciaire. La mesure fait écho au scandale Orpea, à la suite de la publication en 2022 du livre-enquête "Les Fossoyeurs" du journaliste Victor Castanet sur des maltraitances de pensionnaires du groupe privé de maisons de retraite.
Le gouvernement défendra à ce sujet un amendement pour obliger les Ehpad privés lucratifs à consacrer une fraction des bénéfices à l'amélioration du bien-être des résidents.
Les établissements seront tenus à une obligation de transparence et d'accessibilité de leurs indicateurs qualité et de leurs évaluations.
En outre, la proposition de loi consacre "un droit de visite" pour les proches ainsi qu'un "droit au maintien" du lien social et de la vie familiale.
- "Chose minuscule" -
Un autre axe du texte concerne les intervenants à domicile. Ils pourront disposer au plus tard en 2025 d'une carte professionnelle afin de leur faciliter leur vie quotidienne, pour le stationnement par exemple.
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pourra aider financièrement les départements qui soutiennent la mobilité de ces professionnels, notamment pour l'acquisition de véhicules propres.
Cet ensemble de dispositions déçoit certains professionnels du secteur, et les oppositions au Palais Bourbon. "C'est une coquille vide", selon Josiane Corneloup (LR), "pas la révolution attendue" pour Sandrine Dogor-Such (RN).
La gauche a aussi étrillé en commission "une petite chose minuscule", par la voix de l'insoumis François Ruffin. Le socialiste Jérôme Guedj a dit sa "frustration gigantesque" alors qu'un texte sur le sujet aurait pu être "fédérateur", dans une période post-débat retraites où les consensus sont recherchés. Il a préparé sa propre proposition de loi, forte de 166 articles au lieu de 14.
Tous promettent "d'enrichir" les dispositifs en séance.
"Je sais que les attentes sont fortes, de la part des personnes âgées, leurs familles, des professionnels" et "nous n'épuiserons pas le sujet du grand âge" avec ce texte, admet la seconde co-rapporteure Renaissance Annie Vidal, convenant que "oui, nous avons besoin d'une grande réforme de l'autonomie", que seul le gouvernement peut conduire. Mais celle-ci n'est nullement au programme.
S.Mitchell--TNT