L'inflation ralentit à 6,9% en Europe mais reste préoccupante
L'inflation poursuit sa décrue en Europe grâce à une accalmie des tarifs de l'énergie, mais, à 6,9% en mars, la hausse des prix reste élevée et s'accélère encore dans l'alimentation.
La bataille pour ramener l'inflation sous l'objectif de 2% s'annonce encore longue pour la Banque centrale européenne (BCE) qui devrait poursuivre ses hausses de taux.
Le risque est qu'elle freine trop brutalement l'économie, en restreignant les crédits, et déstabilise le secteur bancaire après la faillite de la banque américaine SVB et le sauvetage de Credit Suisse.
L'inflation annuelle dans la zone euro a reculé en mars pour le cinquième mois consécutif, plus fortement que ce que prévoyaient les experts interrogés par Factset et Bloomberg qui tablaient en moyenne sur 7,1%, et après 8,5% en février.
La hausse des prix à la consommation, publiée par Eurostat, avait atteint un record en octobre, à 10,6%, après un an et demi de hausse ininterrompue, accélérée par la guerre en Ukraine.
L'amélioration de mars s'explique avant tout par un léger recul des prix de l'énergie par rapport aux niveaux très élevés qu'ils avaient atteint il y a un an, après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Les tarifs de l'énergie (carburants, électricité, gaz...) baissent en moyenne de 0,9% sur un an, leur premier repli depuis un an. Ils progressaient encore de 13,7% en février et la hausse sectorielle avait culminé en octobre avec un bond de 41,5%.
La mauvaise nouvelle vient cependant des prix de l'alimentation, dont la hausse s'est accélérée à 15,4% en mars, après 15% en février.
Corrigée des prix volatils de l'énergie et de l'alimentation, l'inflation dite "sous-jacente", plus représentative des tendances de long terme, a encore progressé à 5,7% en février, un niveau record très au-dessus du plafond de 2% d'inflation fixé par la BCE.
L'inflation des biens industriels a ralenti à 6,6% (-0,2 point par rapport au mois précédent). Mais les tarifs des services ont augmenté de 5%, soit 0,2 point de plus qu'en février.
- Vers des hausses de salaires ? -
"L'inflation sous-jacente reste un sujet de préoccupation pour la BCE (qui) continuera à relever ses taux à court terme", a commenté Bert Colijn, économiste pour la banque ING. Il table sur une hausse de 25 points de base en mai puis de nouveau en juin.
Jack Allen-Reynolds, expert de Capital Economics, est du même avis. "Les décideurs de la BCE ne s'attarderont pas trop sur la baisse de l'inflation globale en mars et seront plus préoccupés par le fait que le taux sous-jacent a atteint un nouveau record", a-t-il estimé.
Cet expert table sur une poursuite de la baisse des prix de l'énergie ces prochains mois, ainsi que sur un ralentissement de la hausse des denrées alimentaires et de l'inflation globale en zone euro. Mais il s'inquiète de possibles hausses de salaires qui pourraient nourrir un renchérissement des services, dans un contexte de marché de l'emploi tendu.
Eurostat a annoncé vendredi un taux de chômage stable en février à 6,6% de la population active, son plus bas niveau historique dans les 20 pays partageant la monnaie unique.
La BCE a déjà relevé ses taux directeurs de 3,5 points de pourcentage depuis juillet et ne compte pas s’arrêter là, malgré les récentes turbulences affectant le secteur bancaire et des prévisions de croissance très faible pour cette année.
Les Etats-Unis publieront également vendredi l'un des indices de l'inflation, le PCE, qui devrait avoir un peu ralenti en février par rapport à janvier, 5,1% contre 5,4%, selon les prévisions de la Fed de Cleveland. Cette mesure de l'inflation est celle privilégiée par la banque centrale américaine (Fed) qui se fixe, comme la BCE, un objectif de 2%.
L'indice CPI, une autre mesure de l'inflation qui fait référence et sur laquelle sont notamment indexées les retraites, est tombé en février à 6,0% sur un an, son plus faible niveau depuis un an et demi.
La Fed est également déterminée à ramener l'inflation dans les clous par des hausses de taux, mais la crise du secteur bancaire l'incite à la prudence. Cette crise conduit à un resserrement des conditions de crédit qui équivaut à une hausse des taux, a souligné le président de la Fed, Jerome Powell.
S.O'brien--TNT