Le seul quotidien de Nouvelle-Calédonie liquidé
Le tribunal de commerce de Nouméa a prononcé vendredi la liquidation judiciaire du groupe Melchior, auquel appartiennent Les Nouvelles calédoniennes, seul quotidien de ce territoire du Pacifique sud en pleines discussions sur son avenir institutionnel.
Le groupe Melchior avait racheté Le journal en 2013 au groupe Hersant, sans jamais réussir à trouver l'équilibre. Les Nouvelles calédoniennes, fondées en 1971, sont parues pour la dernière fois jeudi, faute de repreneur.
Ce groupe, dont l'actionnariat est entièrement local, employait près de 120 personnes.
"Le délibéré a confirmé l'arrêt du plan de sauvegarde et la mise en liquidation du groupe. Les salaires du mois de mars seront versés, mais à part ça, nous ne sommes sûrs de rien, nous n'avons aucune assurance pour la suite", a déclaré à l'AFP Baptiste Gouret, journaliste des Nouvelles calédoniennes et représentant du personnel pour le plan de sauvegarde et la liquidation.
La trentaine de salariés présents au tribunal pour entendre la décision a regretté l'absence de la direction à cette audience.
Dans un communiqué, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a déploré "un désastre social et une attaque contre le pluralisme" et en a appelé à la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak.
Les Nouvelles calédoniennes avaient déjà cessé de paraître au format papier le 31 décembre au profit d'une édition 100% numérique, entraînant la fermeture de l'imprimeur Pacifique Rotative, appartenant au groupe Melchior, et le licenciement de 17 personnes.
Le procureur de la République en Nouvelle-Calédonie, Yves Dupas, avait demandé jeudi que soit privilégié un plan de redressement avec une poursuite d'activité.
"C'est le seul quotidien de l'île. C'est important à une période de l'histoire très sensible et alors que les discussions sur l'avenir institutionnel sont ouvertes. Il y a un enjeu stratégique à préserver cet outil de la liberté d'expression et je tenais à avoir une approche plus sage", avait indiqué le procureur à l'AFP.
- Gage de neutralité -
Les camps indépendantistes et non-indépendantistes sont en négociations sur le futur statut du territoire après trois référendums qui ont rejeté l'indépendance, mais dont le dernier est contesté par le camp indépendantiste.
Dans ce contexte, la liquidation des Nouvelles calédoniennes a suscité peu de réactions au sein du monde politique calédonien.
Le député Renaissance Nicolas Metzdorf et le président indépendantiste du congrès de la Nouvelle-Calédonie, Roch Wamytan, ont indiqué qu'ils souhaitaient que soit trouvée une solution, dans deux communiqués distincts.
Une discrétion qu’Étienne Dutailly, le directeur du Chien bleu, mensuel satirique indépendant de Nouvelle-Calédonie, interprète comme un gage de neutralité du quotidien. "Les Nouvelles ouvraient leurs colonnes à tout le monde. Les politiques ne veulent pas un média mais un outil pour assurer leur propagande, ce que n'était pas ce journal", analyse-t-il.
"Le risque, c'est que l'espace soit occupé par les réseaux sociaux. Les jeunes, en particulier, ont du mal à hiérarchiser l'information et c'est ce que font justement les journalistes en plus d'apporter des éléments de contextualisation", s'inquiète Akila Nedjar-Guerre, maîtresse de conférences en Sciences de l'information et de la communication à l'université de la Nouvelle-Calédonie.
Une inquiétude partagée par Joël Kasarherou, l'un des fondateurs du mouvement citoyen Construire autrement, qui pointe les carences du système éducatif du territoire calédonien. Le taux d'illettrisme y atteint 17,7% et une personne sur trois présente des difficultés de compréhension à l'écrit.
"On réduit l'information à de la communication et de la propagande alors que c'est un bien commun, qui devrait être indépendant du marché et du pouvoir en place", fait-il valoir.
S.Cooper--TNT