Retraites: les carrières longues au coeur de la commission mixte paritaire, huitième journée de mobilisation
Sept députés et sept sénateurs étaient réunis mercredi à huis clos pour chercher un compromis sur le projet de réforme des retraites, notamment sur l'épineuse question des carrières longues.
Un accord en commission mixte paritaire est indispensable pour un vote final, jeudi à l'Assemblée nationale, à haut risque pour l'exécutif.
Pour cette huitième journée de mobilisation, les grèves restent très suivies chez les électriciens et gaziers ainsi que chez les éboueurs, notamment à Paris, mais le mouvement semble s'essouffler dans le secteur pétrolier et les transports.
Dans la rue, la police prévoie entre 650 et 850.000 manifestants, moins que le 7 mars, point fort de la mobilisation (1,28 million). Le cortège parisien s'ébranlera à 14H00 des Invalides pour terminer place d'Italie.
En attendant, la commission mixte paritaire (CMP) - sept députés, sept sénateurs, et autant de suppléants - planche au Palais-Bourbon.
"On a une responsabilité sur les épaules : préserver le système par répartition", a commenté avant d'entrer dans la salle, le député Modem Philippe Vigier. Les carrières longues seront "certainement l’objet d’une discussion".
Des tractations ont lieu jusqu'au bout entre le gouvernement et Les Républicains, pourvoyeurs de voix indispensables pour le camp présidentiel qui ne dispose que d'une majorité relative.
L'exécutif a déjà concédé à la droite un recul de l'âge de départ à 64 ans, et non 65, ainsi qu'un relèvement des petites pensions élargi aux retraités actuels.
- "contre" -
Mais la question des carrières longues reste le principal point de friction.
"Je voterai contre" la réforme si mon dispositif (durée maximale de cotisation de 43 ans pour l'ensemble des salariés) n'est pas validé, a indiqué sur franceinfo Aurélien Pradié (LR).
"Ce texte est un passage en force", a dénoncé depuis la salle où est réunie le conclave Mathilde Panot. La cheffe de file des députés LFI, membre de cette CMP, a promis de tout dévoiler sur les réseaux sociaux des négociations, qui se tiennent à huis clos comme c'est l'usage.
Le gouvernement, très contesté sur la réforme à laquelle une majorité des Français restent hostiles (68% selon les derniers sondages), compte sur la commission pour trouver un compromis. Mais sans toucher au cœur du texte, le recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans.
Un accord est probable car les macronistes et la droite y sont majoritaires.
En cas de succès, le texte sera soumis jeudi matin au Sénat, dominé par la droite, qui le validera une dernière fois.
Mais le suspense demeure sur le vote qui doit suivre dans l'après-midi à l'Assemblée nationale avec les divisions qui perdurent chez Les Républicains.
"ce n'est pas un vote d'adhésion, c'est un vote de responsabilité", a martelé mercredi sur Europe 1 à l'intention de la droite le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
"Il n'y a pas de problème de majorité (...) si tous les députés qui sont attachés à une meilleure prise en compte de la pénibilité et des carrières longues votent" pour le texte, a relevé le ministre du Travail, Olivier Dussopt, sur Public Sénat.
"Jusqu’au dernier moment, il y aura une incertitude", relève à l'AFP une source gouvernementale.
- 49.3 ? -
Ces doutes laissent planer la possibilité que le gouvernement déclenche l'article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption sans vote.
Plusieurs voix dans le camp des Républicains ne s'opposent pas à cette hypothèse. "Il vaut mieux un 49.3 que pas de réforme du tout", a estimé sur France Inter le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau.
Y avoir recours serait toutefois perçu comme un geste politique ravageur, susceptible de durcir le mouvement comme l'ont averti plusieurs leaders syndicaux.
D'autant que l'exécutif a déjà choisi de restreindre à 50 jours le débat au Parlement et de dégainer au Sénat un outil lui permettant un vote bloqué sur l'ensemble du texte.
Utiliser le 49.3 expose aussi l'exécutif à une motion de censure.
Marine Le Pen (RN) a indiqué qu'elle en déposerait une, qui aurait peu de chances d'être adoptée. Elle s'est aussi dite prête à voter une motion de censure transpartisane qui pourrait attirer des élus de la Nupes, quelques Républicains et des députés indépendants.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a appelé mercredi sur BFM les élus à "voter en âme et conscience", dénonçant "une réforme injuste et brutale".
Les grèves reconductibles se poursuivent dans plusieurs secteurs-clés (transports, énergie, ramassage des ordures...), même si on est loin d'une "France à l'arrêt".
Les quatre terminaux méthaniers ont voté la reconduction de leur mouvement jusqu'au début de la semaine prochaine.
Quelque 7.000 tonnes d'ordures s'amoncellent à Paris et les déchets s'accumulent aussi dans plusieurs villes de l'Ouest comme Rennes et Nantes.
A la SNCF, le trafic reste perturbé avec 3 TGV Inoui et Ouigo sur 5; 1 Intercités sur 3; et 2 TER sur 5.
Quelques blocages routiers étaient en cours dans le nord, sur l'autoroute A26 entre Calais et Thérouanne, ou encore à Rennes et Caen.
Du côté des universités, des blocages avaient lieu à Lyon et à Lille.
A Marseille, plusieurs dizaines de personnes ont manifesté devant le siège de la compagnie maritime CMA-CGM qui a dégagé un bénéfice historique de 23 milliards d'euros en 2022. "De l'argent, il y en a, dans les caisses du patronat", ont scandé les manifestants.
N.Johns--TNT