Retraites: suite du débat au Sénat, poursuite des grèves et doutes sur une majorité à l'Assemblée
Le Sénat avançait jeudi dans l'examen de la réforme des retraites, après avoir adopté dans la nuit le report à 64 ans de l'âge de départ, sur fond de grèves persistantes, de blocages épars et d'interrogations grandissantes sur l'existence d'une majorité à l'Assemblée nationale.
Quelques heures après le vote de l'article phare du projet, une "étape importante" selon la Première ministre Élisabeth Borne, le Sénat dominé par la droite a repris l'examen du texte.
Jeudi après-midi, les sénateurs débattaient de la question sensible des carrières longues. Auparavant, avec l'aval du gouvernement, ils ont adopté une proposition de la droite et des centristes instaurant une surcote de pension allant jusqu'à 5% pour les femmes choisissant de partir à l'âge légal de la retraite, mais ayant cumulé les annuités requises dès un an avant.
En revanche, un amendement très attendu du patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a été remisé à plus tard, au grand dam de la gauche.
Mais plus de 200 sous-amendements avaient été déposés à la dernière minute par les communistes, et leur discussion aurait pris une grande partie de la journée. Catherine Deroche, présidente LR de la commission des Affaires sociales, a obtenu leur mise en réserve. Un procédé "extrêmement déloyal", s'est récrié le chef de file du groupe PS Patrick Kanner.
- Interrogations sur le 49.3 -
Le Sénat a jusqu'à dimanche minuit pour examiner le texte et, en cas de vote favorable, tentera de trouver un accord avec les députés lors d'une commission mixte paritaire (CMP) prévue le 15 mars.
En l'état actuel du texte, le déficit supplémentaire que connaîtrait le régime des retraites à l'horizon 2030 s'élèvera à 450 millions d'euros, a avancé jeudi le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, qui souhaite à l'arrivée "une copie à l'équilibre".
A l'issue de cette CMP, Élisabeth Borne compte sur un vote des Républicains à l'Assemblée pour approuver la réforme sans avoir à utiliser le 49.3 (adoption d'un texte sans vote). Mais l'évocation de cette hypothèse se faisait de plus en plus insistante jeudi.
"Je pense que, à l'Assemblée nationale, il n'y a pas de majorité pour voter cette réforme des retraites", a estimé jeudi matin la patronne du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen, pour qui le 49.3 "serait une démonstration de faiblesse".
"Ça peut mettre le feu aux poudres", a de son côté jugé Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT.
"Il y a un risque à voter mais c’est le risque démocratique. Le 49.3 représenterait un risque plus gros en termes d'images", estimait vendredi un cadre de la majorité.
Le vote de l'article sur le report de l'âge à 64 ans "ne change rien dans la détermination et les mobilisations", a de son côté averti jeudi Philippe Martinez. Il a fustigé "l'indifférence" et le "mépris" du pouvoir, Emmanuel Macron ayant opposé une fin de non-recevoir à l'intersyndicale qui avait demandé mardi à être reçue "en urgence" à l’Élysée.
Les huit principaux syndicats et cinq organisations de jeunesse ont adressé par écrit cette demande au chef de l’État, jugeant au passage que le silence de l'exécutif face au mouvement social posait un "grave problème démocratique".
L'intersyndicale a appelé à deux nouvelles journées de mobilisation: la première dès samedi, la suivante mercredi 15 mars, jour de la commission mixte paritaire.
-Trains toujours perturbés-
La grève se poursuivait jeudi pour un troisième jour dans les transports, les raffineries et l'énergie, où l'alimentation du réseau en gaz est considérablement ralentie en raison des blocages.
Environ un tiers des TGV circulent dans l'Hexagone, comme mercredi. En Ile-de-France, le trafic ferroviaire restait très perturbé, avec 80% de trains en moins par rapport à d'habitude sur le RER D et la ligne R du Transilien, notamment. Le trafic devrait rester très perturbé vendredi et ce weekend.
Dans le métro parisien, la situation s'améliorait nettement avec un trafic normal ou quasi normal sur la moitié des lignes, pour un retour à la normale vendredi, sauf sur le RER B.
Dans le ciel, après plusieurs journées de perturbations, la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) a encore demandé aux compagnies aériennes de renoncer à 20% de leurs vols prévus pendant le weekend dans plusieurs grands aéroports, dont Orly.
En Seine-Saint-Denis, des électriciens et gaziers de la CGT ont affirmé avoir coupé le courant du Stade de France et du chantier du village olympique. Mais il n'y a pas eu de coupure de courant au Stade de France, a assuré Enedis.
A Paris, plusieurs centaines de jeunes ont manifesté jeudi après-midi à l'appel des organisations lycéennes et étudiantes. Des manifestations ont aussi eu lieu notamment à Rouen ou à Toulouse.
Des blocages, souvent partiels, ont été aussi organisés dans plusieurs lycées et universités.
A.M.James--TNT