Retraites: après une "mobilisation historique", les syndicats demandent à être reçus par Macron
A l'issue d'une journée de mobilisation record, l'intersyndicale va continuer à mettre la pression dans la rue et demande à être reçue "en urgence" par Emmanuel Macron pour qu'il retire une réforme des retraites dont le Sénat aborde mardi soir la mesure la plus controversée.
Si les syndicats avaient promis de mettre la France "à l'arrêt", les taux de grévistes sont restés un peu en deçà des records pour cette nouvelle journée d'action contre cette réforme.
Mais les cortèges dans la rue ont dépassé le record de mobilisation établi le 31 janvier, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur et ceux de la CGT.
Beauvau a décompté 1,28 million de manifestants et la CGT 3,5 millions, contre respectivement 1,27 millions et 2,5 millions pour le 31 janvier. L'intersyndicale avance "plus de 3 millions" de manifestants.
Cette mobilisation "est historique au regard des 40 ou 50 dernières années", a estimé Laurent Berger, le leader de la CFDT.
Ecartant le risque d'un essoufflement des cortèges, l'intersyndicale, qui présente toujours un front uni, a appelé mardi soir à deux nouvelles journées d'actions et de manifestations, d'abord samedi puis la semaine prochaine, lorsque Sénat et Assemblée tenteront de se mettre d'accord en commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi portant la réforme, très vraisemblablement le 15, selon des sources parlementaires.
Tandis que des grèves reconductibles touchent des secteurs clés de l'économie, l'intersyndicale demande aussi "à être reçue en urgence" par Emmanuel Macron "pour qu'il retire sa réforme".
"Le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique qui conduit immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive", a-t-elle mis en garde.
Interrogé sur cette demande de l'intersyndicale, l'Elysée n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP dans l'immédiat
L'exécutif compte sur l'adoption de la réforme par le Sénat d'ici dimanche et envisage "un vote le 16 mars" dans les deux chambres.
D'ici là, les débats au Palais Luxembourg vont se concentrer sur la mesure la plus controversée du texte, le report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. Le Sénat a entamé l'examen mardi en fin d'après-midi de cette disposition qui n'avait pu être abordée lors du passage du projet de loi à l'Assemblée, faute de temps.
- Cortèges très fournis -
Comme lors des précédentes mobilisations, les cortèges ont été globalement calmes mardi en dépit de quelques heurts entre certains manifestants cagoulés et les forces de l'ordre à Paris, Nantes, ou encore à Lyon et Rennes où des canons à eau ont été utilisés.
A Paris, où le chiffrage du cortège a joué le grand écart entre le décompte de la CGT (700.000) et la préfecture de police (81.000), 43 personnes ont été interpellées.
Les taux de grévistes restaient un peu en deçà des meilleurs scores enregistrés depuis le début du mouvement, chez les cheminots (39% contre 46,3% le 19 janvier) comme chez les enseignants et à EDF (47,65% des salariés en grève selon la direction, contre 50% le 19 janvier).
Dans la fonction publique d'Etat dans son ensemble, près d'un agent sur quatre était en grève, contre 28% lors de la première journée d'action le 19 janvier.
Partout en France, les cortèges étaient très fournis mardi.
Le nombre de manifestants se situait entre 6.000 (préfecture) et 30.000 (CGT) à Nice, entre 13.000 et 23.000 à Bayonne, entre 20.500 et 55.000 à Grenoble.
A Lyon, Audrey Sivadon, une ingénieure de 27 ans, et Gabrielle Laloy Borgna, une doctorante de 26 ans, qui ont participé à quasi toutes les manifestations précédentes, exprimaient leur espoir de pouvoir encore changer les choses.
"La réforme va passer, après est-ce qu'elle va être mise en application ?", demandait Gabrielle Laloy Borgna. "On a quand même une once d'espoir, sinon on ne serait pas là", a renchéri Audrey Sivadon.
A Marseille, la CGT a fait état de 245.000 manifestants (contre 205.000 le 31 janvier), 30.000 selon la préfecture (40.000 le 31 janvier).
Dans l'éducation, le ministère a fait état de 32,71% d'enseignants grévistes. Le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, a recensé 60% des enseignants de collèges et lycées grévistes.
Le secrétaire général de la CGT Energie, Sébastien Ménesplier, a prévu une "semaine noire" dans le secteur, avec des baisses de production principalement dans le nucléaire.
- Coupures sauvages -
Des coupures d'électricité "sauvages" ont touché dans la matinée jusqu'à 4.000 habitants à Boulogne-sur-Mer et ses environs, selon Enedis.
Plus de 2.000 foyers ont également été privés d'électricité à Annonay (Ardèche), fief du ministre du Travail Olivier Dussopt, selon la même source.
Les expéditions de carburants étaient bloquées mardi matin à la sortie de "toutes les raffineries" de France (TotalEnergies, Esso-ExxonMobil et Petroineos), selon le syndicat CGT-Chimie.
Et dans le gaz, trois des quatre terminaux méthaniers que compte la France ont été mis à l'arrêt pour "sept jours" lundi par les syndicats.
"La loi est extrêmement importante, mais la démocratie réelle aussi", a prévenu de son côté Laurent Berger, mettant en garde contre un passage en force à coup de 49.3 qui serait "une forme de blocage inacceptable".
Face "à la situation de blocage", Emmanuel Macron doit "trouver une sortie par le haut", "ou bien une dissolution" de l'Assemblée nationale, "ou bien un référendum", a plaidé Jean-Luc Mélenchon (LFI) à Marseille.
La SNCF prévoit une offre de transport légèrement améliorée pour mercredi, avec un tiers des trains en circulation pour les TGV et TER, contre un cinquième mardi.
Jeudi, le trafic sera à nouveau "perturbé", selon l'entreprise, dont tous les syndicats ont lancé une grève reconductible.
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L.Graham--TNT