Retraites: les débats sur le point de s'achever, la tension ne redescend pas à l'Assemblée
Sauf retournement de situation, l'Assemblée nationale se dirige vers la fin de l'examen en première lecture de la réforme des retraites sans arriver à l'article décisif sur le recul de l'âge légal, chaque camp s'accusant d'éviter stratégiquement un vote qui pourrait tourner en sa défaveur, et la gauche se divisant sur la stratégie.
"C'est un supplice chinois", lâche-t-on au sein d'un groupe de gauche. Entre rappels au règlement et suspensions de séance, et brouhaha, les débats étaient au point mort ou presque en début de soirée, un écho de deux semaines d'examen laborieux et électriques.
A minuit, où qu'en soient les échanges sur ce projet phare d'Emmanuel Macron, le rideau tombera au Palais Bourbon. Ce sera la première fois qu'une lecture sera interrompue car le délai constitutionnel aura été atteint.
Devant le tunnel d'amendements de LFI dans l'après-midi pour taxer les "superprofits" des grandes entreprises, la députée Renaissance Caroline Janvier s'agaçait d'un "concours Lépine de rustines" pour financer les retraites. En début de soirée, il restait un peu moins de 900 amendements à examiner en 2h30, avant d'arriver à l'article 7 de la réforme, celui qui reporte de 62 à 64 ans l'âge de départ en retraite. Un scénario improbable, sauf coup de théâtre.
A qui la faute? Chacun se rejette la responsabilité.
"Vous venez de défendre 700 fois le même amendement", s'est emporté le ministre des Comptes publics Gabriel Attal face aux insoumis. "Vous êtes nostalgiques de la guillotine mais c'est vous qui avez perdu la tête".
"Nous donnons une image déplorable de la démocratie", a regretté Charles de Courson (groupe indépendant Liot), accusant les Insoumis d'avoir "empêché" le vote sur l'article 7, applaudi par une poignée de députés de gauche.
"On va continuer à défendre nos amendements", a déclaré Ugo Bernalicis devant les journalistes.
"Nous souhaitons que cette épreuve de vérité dure encore", a lancé François Ruffin (LFI) en demandant que l'Assemblée siège la semaine prochaine.
- "Raté stratégique" de LFI -
Mais le groupe écologiste a dénoncé auprès de l'AFP "un raté stratégique" de LFI, illustrant les divergences et les tiraillements au sein de l'alliance de gauche, la Nupes.
Jeudi soir, le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon avait jugé "incompréhensible" le retrait d'amendements à gauche et appelé les députés à ne pas se "précipiter" vers l'article 7. "Hâte de se faire battre?", avait-il demandé, reconnaissant au passage la possibilité que le gouvernement l'emporte.
L'alliance de gauche Nupes était pressée de permettre l'examen de cet article, notamment par les syndicats qui ont organisé jeudi une cinquième journée de mobilisation.
Les manifestations ont rassemblé jeudi 1,3 million de personnes selon la CGT et 440.000 selon le ministère de l'Intérieur. C'est le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation, dans l'attente du 7 mars où les syndicats menacent de mettre le pays "à l'arrêt" si le gouvernement ne retire pas la réforme.
La CGT a appelé vendredi à la grève reconductible dans les raffineries dès le lundi 6 mars.
- "Qui va imposer son récit ?" -
Passé minuit, une motion de censure déposée par le Rassemblement national (RN) sera examinée en présence de la Première ministre Élisabeth Borne mais n'a quasiment aucune chance d'être adoptée. Le texte sur les retraites partira ensuite au Sénat.
Les députés LR, mais aussi ceux du groupe Horizons (membre de la majorité), auront pesé sur les débats en cherchant à imposer un départ après un maximum de 43 annuités pour tous ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans.
Le député LR Aurélien Pradié a demandé à l'exécutif de donner des garanties sur ce sujet vendredi soir devant l'Assemblée.
Au sein du groupe présidentiel Renaissance, des députés de l'aile gauche (En Commun!), ont insisté dans un communiqué pour que cette mesure, qu'ils portent également, soit étudiée.
A gauche, l'attention se porte sur les prochaines mobilisations dans la rue.
"Le 7 mars, nous vous ferons plier", a promis Matthias Tavel (LFI). Avec ses collègues, il a demandé à nouveau "des réponses" sur les carrières longues et le montant minimum de pension.
Le ton est également monté entre le gouvernement et le Rassemblement national (RN), Marine Le Pen accusant l'exécutif d'avoir pour "objectif" de "faire baisser" les revenus des retraités, ce qu'a récusé Gabriel Attal.
"Vous n'avez pas de solution à proposer aux Français, et les Français le voient", a accusé le ministre.
"Ca va être sport", estime un élu Renaissance. "L'enjeu, c'est qui va imposer son récit", a-t-il ajouté, tant il semble difficile de dire qui du gouvernement ou des oppositions sort renforcé de cette première manche parlementaire. Le Sénat se saisira du texte le 2 mars.
bur-parl/bpa/hr/or
R.Campbell--TNT