Retraites: un incident fait à nouveau déraper les débats à l'Assemblée
A peine repris, les débats dérapent déjà: un député LFI a traité lundi le ministre du Travail "d'assassin" dans l'hémicycle de l'Assemblée, perturbant l'examen de la réforme des retraites déjà ralenti par une pluie d'amendements.
Le député Insoumis Aurélien Saintoul a mis le feu aux poudres en qualifiant Olivier Dussopt "d'assassin" et "d'imposteur" lors d'une intervention sur les morts au travail.
M. Saintoul, dont l'intervention a suscité la réprobation des autres groupes politiques, y compris au sein de la Nupes, a ensuite présenté des "excuses publiques", pour des propos "déplacés".
Des excuses que le ministre, chaleureusement applaudi à son retour dans l'hémicycle après une demi-heure d'interruption, a dit "entendre", mais sans "pardonner".
Le président de séance, le RN Sébastien Chenu, a infligé à M. Saintoul un rappel à l'ordre avec inscription au procès verbal, soit le retrait d'un quart de son indemnité parlementaire pendant un mois. Une sanction plus lourde pourrait être prononcée en bureau, la plus haute instance de l'Assemblée nationale.
Ce nouvel incident illustre l'intense tension dans laquelle se déroulent les débats à l'Assemblée, depuis leur coup d'envoi en début de semaine dernière.
- 'Obstruction systématique' -
Le gouvernement a haussé le ton lundi contre "l'obstruction systématique" de LFI et demandé le retrait de ses nombreux amendements "qui ne servent pas le débat démocratique".
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a fustigé l'attitude de la France Insoumise, "un obstacle au débat démocratique sain, clair, que nos compatriotes sont en droit d'avoir sur la réforme". Il a réclamé "que le plus rapidement possible, LFI retire ses milliers d'amendements".
L'Insoumis Eric Coquerel, président de la commission des Finances, a dénoncé la "petite musique" du gouvernement, "pour diviser la (coalition de gauche) Nupes par rapport à l'intersyndicale". Mais "n'y comptez pas avec des gros sabots comme ça", a-t-il prévenu.
"La Macronie essaye de mettre un coin entre nous (...) Il ne faut pas tomber dans le piège de la division. Il n'y a pas de compromis possible, on veut le retrait de cette réforme injuste, pas faire de la coconstruction sur un texte pareil", abonde l'écologiste Benjamin Lucas.
Que les députés aient ou non achevé l'examen du projet de loi, les discussions prendront fin vendredi à minuit en première lecture. Le texte partira par la suite au Sénat.
Les débats seront rythmés, jeudi, par une cinquième journée d'action à l'appel de l'intersyndicale. La CGT a appelé lundi cheminots, dockers, électriciens, gaziers, salariés de la chimie et du verre à faire grève.
Noyés sous les 15.600 amendements restants, les députés atteindront-ils au moins l'article 7 sur le report de l'âge légal de départ à 64 ans ?
C'est ce que réclament en choeur les syndicats. Dimanche, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a dénoncé la "connerie" de l'obstruction parlementaire, visant La France insoumise à l'origine de la majorité des amendements déposés.
"Nous souhaitons qu'il y ait un vote sur l'article 7", a abondé lundi sur BFMTV le patron de la CGT Philippe Martinez, afin que "chaque député puisse s'exprimer" sur le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ en retraite.
- "Tartufferie" -
Côté mobilisation, la manifestation de samedi, plus familiale, a attiré entre 963.000 et 2,5 millions de manifestants selon les sources, et conforte l'intersyndicale dans sa stratégie.
Après la nouvelle journée d'action jeudi, elle agite le spectre d'une "France à l'arrêt" le 7 mars, après les vacances scolaires.
Les députés ont repris leurs travaux lundi sur l'"index seniors" pour inciter à l'emploi des plus de 55 ans.
"L'index ne sert à rien, c'est une tartufferie de plus", a attaqué l'Insoumise Clémence Guetté. Le LR Thibault Bazin est également "sceptique" sur l'index, qui ne "va pas améliorer l'emploi des seniors".
Gauche et RN dénoncent aussi les "mensonges" du gouvernement sur la "retraite minimum à 1.200 euros" pour les carrières pleines au SMIC: "le nombre de Français concernés" est "ridicule", a pointé Jean-Philippe Tanguy (RN).
Le camp présidentiel ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée, mais les premiers votes ont plutôt rassuré les macronistes sur les forces en présence dans l'hémicycle.
A.M.James--TNT