BCE: un nouveau relèvement des taux attendu jeudi, et après ?
La Banque centrale européenne va relever selon toute attente ses taux d'intérêt d'un demi-point de pourcentage jeudi, les marchés surveillant tout indice sur les prochaines étapes du resserrement du crédit sur fond d'inflation tenace et d'économie résiliente.
La présidente de la BCE Christine Lagarde a semblé tuer le suspense dès décembre, s'engageant à proposer une hausse de 0,50 point de pourcentage en février, similaire à celle qui venait d'être décidée.
"Une promesse est une promesse!", commente Franck Dixmier, directeur de la gestion obligataire chez Allianz IG, qui, à l'instar des marchés, s'attend à ce que le cap soit tenu.
Cette hausse, à l'issue du Conseil des gouverneurs de jeudi, portera le taux rémunérant les liquidités bancaires non distribuées en crédit à 2,5% et celui sur les opérations de refinancement à court terme à 3,0%, au plus haut depuis novembre 2008.
Les gardiens de l'euro affrontent une envolée massive des prix déclenchée par la guerre russe en Ukraine, ce qui les a amenés à lancer un cycle de hausses de taux en juillet, inédit par son ampleur et mettant fin à près d'une décennie d'argent pas cher.
De l'autre côté de l'Atlantique, les investisseurs n'ont pas été surpris mercredi par l'annonce de la Fed américaine d'une nouvelle hausse de ses taux ramenée à un quart de point de pourcentage, car l'activité économique et l'inflation montrent des signes de ralentissement aux Etats-Unis.
Une heure avant la décision de BCE, la Banque d'Angleterre a relevé son taux directeur de 0,50 point de pourcentage à 4%, niveau le plus haut depuis 2008, pour contrer une inflation qui dépasse encore 10% au Royaume-Uni.
La BoE s'est par ailleurs se montrée un peu moins pessimiste sur les perspectives de l'économie britannique, estimant que la récession au Royaume-Uni sera moins profonde que redouté et pourrait se limiter à un recul du PIB de 0,5% cette année.
- Inflation élevée -
A Francfort, la discussion au Conseil des gouverneurs sera pimentée par l'annonce du nouveau recul en janvier, à 8,5%, du taux d'inflation annuel en zone euro, davantage qu'anticipé par les économistes grâce au recul des prix de l'énergie.
Une amélioration en trompe-l'oeil car l'inflation "sous-jacente" - hors énergie et alimentation - s'est en même temps maintenue à 5,2% et "devrait rester obstinément élevée en 2023", prévient Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste de la banque publique KfW.
En cause, "l'amélioration des perspectives économiques, un marché du travail tendu, des revendications salariales substantielles et une proportion élevée d'entreprises européennes qui s'attendent à ce que les prix de vente continuent d'augmenter", selon l'experte.
Face à ce scénario d'une hausse des prix qui s'enracine, Mme Lagarde devrait rappeler que "l'inflation, notamment sous-jacente, reste trop élevée" et "réaffirmer l'absolue nécessité pour la BCE de continuer à agir dans la durée" pour ramener le rythme de hausse annuelle de l'agrégat à 2%, selon M. Dixmier.
La BCE aura moins de scrupule à serrer davantage la vis monétaire car la zone euro devrait échapper à une récession cet hiver, grâce à une légère croissance du PIB (+0,1%) au quatrième trimestre de 2022, selon Eurostat.
Le premier trimestre en cours a vu l'activité repartir en janvier, selon l'indice PMI, grâce à l'amélioration des chaînes d'approvisionnement et la réouverture de l'économie chinoise.
- Colombes contre faucons -
Comme l'économie va mieux que prévu, l'institut monétaire devra "suppléer l'absence de correction spontanée de la demande", élément clé pour le recul des prix, explique à l'AFP Gilles Moec, chef économiste chez Axa.
Le renchérissement du crédit a déjà provoqué un net recul de la demande de prêts par les ménages et entreprises, a relevé la BCE en janvier, des mois avant que la hausse de ses taux directeurs n'atteigne un pic.
"Pour les colombes" de la BCE, favorables à une conduite monétaire souple, "ce sera un argument clé pour limiter les nouvelles hausses de taux à partir de maintenant. A contrario, les faucons avec leur approche plus stricte qui domine actuellement les débats "se concentreront sur une inflation sous-jacente résolument élevée", souligne Bert Colijn, économiste chez ING.
La prochaine réunion de mars comportera un ensemble de nouvelles prévisions économiques qui compteront dans la définition du cap monétaire.
M.Wilson--TNT