Retraites: le ton se durcit à l'Assemblée, avant la rue mardi
La tension est montée d'un cran supplémentaire lundi entre le gouvernement et les oppositions sur la réforme des retraites, désormais débattue à l'Assemblée nationale, à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation dans les rues présentée par la gauche comme une "motion de censure populaire".
Le projet phare de réforme du président Emmanuel Macron est arrivé lundi sur la table de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée, première étape d'un complexe parcours parlementaire. Agitées et laborieuses, les discussions ont traîné en longueur autour du premier article, sur la disparition progressive de plusieurs régimes spéciaux de retraite.
"Venez aux piquets de grève" pour évaluer la pénibilité de ces métiers, a invité Danielle Simonnet (LFI), pendant que la majorité présidentielle défendait un principe "d'équité entre régimes".
"Si on vous coupe le jus 2-3 heures dans vos permanences, je ne veux pas vous entendre pleurer", a lancé le communiste Sébastien Jumel, lors du débat sur le régime des industries électriques et gazières. "Ne provoquez pas", lui a intimé la présidente de commission Fadila Khattabi (Renaissance), quand une autre macroniste lui reprochait de "chauffer à blanc l'opinion publique".
- "Censure populaire" -
Gauche et RN ont pilonné les propos de la Première ministre Elisabeth Borne qui a estimé dimanche que le report de l'âge légal de départ à 64 ans n'était "plus négociable".
Lundi, la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot lui a répliqué que "le retrait du texte n'est pas négociable". Attendues massives, comme le 19 janvier, les manifestations de mardi seront une "motion de censure populaire", a-t-elle ajouté.
A Marseille, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a de nouveau reproché à LFI de "bordéliser" le débat pour "empêcher systématiquement le gouvernement d'avancer": "la bordélisation, je pense qu'on la constate depuis ce matin en commission à l'Assemblée nationale", a-t-il martelé.
Après celle du 19 janvier, qui a vu de 1 à 2 millions de personnes manifester contre la réforme, les syndicats espèrent faire au moins aussi bien. Un espoir conforté par des sondages attestant d'un rejet croissant dans l'opinion.
Sur France 2, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a mis en garde Mme Borne, qui "ne peut pas rester sourde à cette formidable mobilisation qui s'est créée".
La grève s'annonce très suivie à l'école et dans les transports. Les syndicats enseignant prévoient 50% de grévistes parmi les professeurs, de la maternelle au lycée.
Air France va annuler un vol court et moyen-courrier sur dix, mais les liaisons long-courrier ne seront pas affectées. En région parisienne, la circulation des métros et RER sera "très perturbée", selon la RATP.
Une source dans les services de renseignement s'attend à 1,2 million de manifestants au niveau national "en fourchette haute dont 100.000 à Paris, avec 240 cortèges ou rassemblements prévus".
Onze mille policiers et gendarmes seront mobilisés partout en France mardi, dont 4.000 à Paris, pour encadrer les manifestations, a annoncé Gérald Darmanin, qui a exprimé le voeu que les protestations se déroulent "dans les mêmes conditions sans incident grave" que la précédente mobilisation.
En commission à l'Assemblée, les échanges pourraient être particulièrement tendus mardi, pour ce jour de mobilisation interprofessionnelle nationale.
- En séance le 6 février -
La gauche étrille un texte "solitaire, injuste et injustifié" voire "anti-femmes". En réponse, LFI a présenté lundi après-midi son "contre-projet" qui prévoit notamment une retraite à 60 ans avec 40 annuités, et une pension d'au moins 1.600 euros pour toutes les carrières complètes.
Les députés RN combattent le report de l'âge, mais réservent leurs forces pour l'hémicycle.
De son côté, la droite, dont les voix sont cruciales pour que le texte soit adopté, fait monter les enchères. Les LR ont des demandes pour les femmes aux carrières hachées, pour ceux ayant commencé à travailler à 20 ans, sur les droits familiaux ou encore un report de l'entrée en vigueur de la réforme.
La majorité présidentielle n'est pas en reste, mais a été priée de réfréner ses ardeurs pour tenir l'équilibre financier de la réforme. L'idée de contraintes plus fortes autour de l'emploi des seniors dans les grandes entreprises fait cependant son chemin chez Renaissance.
Les délais resserrés sont imposés par le vecteur choisi par l'exécutif, un projet de budget rectificatif de la Sécu, qui limite à cinquante jours au total les débats au Parlement.
Qu'il soit adopté ou pas en commission, le projet sera présenté en séance le 6 février. Deux semaines d'échanges sont programmées dans l'hémicycle.
T.Bennett--TNT