La réforme des retraites examinée à l'Assemblée dans une ambiance de plus en plus tendue
A la veille de la mobilisation dans la rue, les députés ont afflué lundi en commission pour l'examen du très contesté projet de réforme des retraites, avec des oppositions de plus en plus remontées face à la fermeté sans faille affichée par le gouvernement.
La soixantaine de parlementaires de la commission des Affaires sociales planchent, article par article, sur le texte qui prévoit un recul de l'âge légal de 62 à 64 ans et une accélération de l'allongement de la durée de cotisation, avant l'épreuve dans l'hémicycle à compter du 6 février sur la réforme phare du second quinquennat Macron.
Les élus de l'alliance de gauche Nupes sont venus en nombre, à tel point que certains ont dû s'installer entre LR et RN, faute de places à gauche. "On est nombreux à vouloir co-construire", a lancé l'Insoumis Hadrien Clouet, suscitant des rires dans la salle.
Le socialiste Arthur Delaporte a d'emblée demandé des "jours supplémentaires" de l'examen, qui s'achève mercredi soir. Quelque 7.000 amendements ont été déposés, dont 6.000 par la gauche.
Les délais resserrés sont imposés par le vecteur choisi par l'exécutif, un projet de budget rectificatif de la Sécu, qui limite à cinquante jours au total les débats au Parlement.
Depuis dimanche, le ton est monté d'un cran dans la classe politique après que la Première ministre Elisabeth Borne a assuré que le report de l'âge de départ n'était "plus négociable", tandis que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a accusé la Nupes de vouloir "bordéliser le pays".
Le coordinateur de LFI Manuel Bompard a, lui, reproché à Elisabeth Borne de "bomber le torse", tandis que le vice-président exécutif de LR Aurélien Pradié a critiqué son "coup de menton".
- Coup de menton -
Lundi, c'est le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, qui a mis en garde sur France 2 Mme Borne, qui "ne peut pas rester sourde à cette formidable mobilisation qui s'est créée".
Les échanges pourraient être particulièrement tendus mardi, jour de mobilisation interprofessionnelle nationale.
Après celle du 19 janvier, qui a vu de 1 à 2 millions de personnes manifester contre la réforme, les syndicats espèrent faire au moins aussi bien. Un espoir conforté par des sondages attestant d'un rejet croissant dans l'opinion.
La grève s'annonce très suivie dans les transports et à l'école. Air France va annuler un vol court et moyen-courrier sur dix, mais les liaisons long-courrier ne seront pas affectées.
Une source dans les services de renseignement s'attend à 1,2 million de manifestants au niveau national "en fourchette haute dont 100.000 à Paris, avec 240 cortèges ou rassemblements prévus".
Onze mille policiers et gendarmes seront mobilisés partout en France mardi, dont 4.000 à Paris, pour encadrer les manifestations, a annoncé lundi à Marseille le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a exprimé le voeu que les protestations se déroulent "dans les mêmes conditions sans incident grave" que la précédente mobilisation.
- En séance le 6 février -
La gauche étrille un projet "solitaire, injuste et injustifié" voire "anti-femmes".
Ses élus s'opposent en bloc aux 64 ans et récusent faire de l'obstruction, en évitant les amendements de pure forme. "On va adapter notre tactique au fur et à mesure, on veut que soit discuté l'article 7" sur l'âge, indique l'Insoumise Clémentine Autain.
Les députés RN combattent le report de l'âge, mais réservent leurs forces pour l'hémicycle.
De son côté, la droite, dont les voix sont cruciales pour que le texte soit adopté, fait monter les enchères. Les LR ont des demandes pour les femmes aux carrières hachées, pour ceux ayant commencé à travailler à 20 ans, sur les droits familiaux ou encore un report de l'entrée en vigueur de la réforme.
La majorité présidentielle n'est pas en reste, mais a été priée de réfréner ses ardeurs pour tenir l'équilibre financier de la réforme. L'idée de contraintes plus fortes autour de l'emploi des seniors dans les grandes entreprises fait cependant son chemin chez Renaissance.
Qu'il soit adopté ou pas en commission, le projet sera présenté en séance le 6 février. La règle pour les textes budgétaires impose que c'est la version initiale qui est soumise, sans les amendements adoptés en commission.
Deux semaines d'échanges sont programmées dans l'hémicycle.
T.Bennett--TNT