Industrie: l'UE cherche encore sa réponse aux subventions américaines
Bruxelles doit présenter mercredi des propositions très attendues pour répondre aux subventions américaines de l'administration Biden qui menacent une industrie européenne déjà affaiblie par la flambée des prix de l'énergie et la concurrence déloyale venue de Chine.
Face à des Etats membres divisés, entre partisans du libre marché et avocats d'une intervention étatique, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen est sous pression pour trouver un consensus dans l'urgence.
- L'industrie européenne souffre
Privée de son accès au gaz russe bon marché, l'Europe paie le prix fort de la guerre en Ukraine. Les tarifs imposés aux industriels européens ont été multipliés par trois par rapport à la moyenne de la dernière décennie, alors qu'ils sont restés stables en Asie et en Amérique du Nord. Le choc est d'autant plus rude qu'il s'accompagne d'une envolée des prix de l'électricité.
Pour lutter contre le changement climatique, l'UE va investir des centaines de milliards d'euros dans les industries vertes (panneaux solaires, batteries, hydrogène...). Elle risque de se retrouver dépendante d'entreprises chinoises bénéficiant de subventions massives et de moindres contraintes environnementales, en plus d'une énergie moins chère.
Pour implanter sur son territoire ces industries cruciales, Washington a adopté un plan d'aide protectionniste à 370 milliards de dollars, qui réserve par exemple aux véhicules électriques sortis d'usines nord-américaines le bénéfice de primes à l'achat.
Pris en étau, les industriels de l'UE sonnent l'alarme. "De nombreuses entreprises délocalisent déjà partiellement ou totalement leur production", avertit BusinessEurope, l'organisation patronale européenne. Des milliers d'emplois sont en jeu dans la chimie, la sidérurgie et toutes les filières de la transition écologique.
- Plusieurs réponses à l'étude
Mandatée en décembre par les Etats membres pour élaborer une réponse, Ursula von der Leyen souhaite alléger les contraintes réglementaires pesant sur les industries vertes. Elle a annoncé une nouvelle législation qui permettra de soutenir des projets européens stratégiques, en accélérant et simplifiant les autorisations et financements.
Elle propose aussi un allègement temporaire des règles en matière d'aides d'Etat, ciblé sur ces secteurs prioritaires.
Mais la mesure est controversée. Elle risque de profiter aux grands pays riches, essentiellement l'Allemagne, et dans une moindre mesure la France, qui seraient en mesure de favoriser leurs entreprises au détriment de leurs concurrentes de l'UE.
L'Allemagne et la France ont représenté respectivement 53% et 24% des aides d'État notifiées à Bruxelles depuis mars 2022 dans le cadre d'un assouplissement lié à la guerre en Ukraine, contre seulement 7% pour l'Italie, en troisième position.
Pour contrer ce risque, certains pays, France en tête, appellent à de nouveaux financements communs. Mme von der Leyen a promis de travailler à un fonds de souveraineté européen pour investir dans la recherche ou le capital d'entreprises stratégiques.
A plus court terme, le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, a évoqué un panier d'instruments qui inclueraient la mobilisation de financements restants du plan de relance européen à 800 milliards d'euros (NextGenerationEU) et des prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI).
- Les Etats membres divisés
Des annonces sont attendues lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement prévu les 9 et 10 février à Bruxelles. Pour éviter les blocages, les Vingt-Sept devraient repousser au deuxième semestre l'idée du fonds de souveraineté, rejetée pour l'instant par de nombreux pays dont l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède, hostiles à toute augmentation de leur contribution.
Les premières décisions viseraient l'allègement réglementaire et l'assouplissement des aides d'Etat. Mais l'ampleur du paquet reste incertaine. Les réticences face au risque de guerre commerciale avec les Etats-Unis restent vives. Elles sont aussi idéologiques dans une Europe longtemps acquise aux principes du libre marché.
L'UE et les Etats-Unis ont "beaucoup plus à gagner en travaillant ensemble", ont souligné jeudi trois vice-présidents de la Commission dans une tribune au Financial Times. Valdis Dombrovskis, Frans Timmermans et Margrethe Vestager ont appelé à "créer un marché transatlantique ouvert" et souligné le risque d'une course aux subventions pour le marché unique.
"La compétitivité de l'UE (...) ne peut pas être construite sur des subventions non ciblées permanentes ou excessives", ont de leur côté averti les ministres des Finances de sept pays membres, dont l'Autriche, le Danemark et la Finlande, dans une lettre commune.
L.Johnson--TNT